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de la rivière Shiré et sur les frontières de la province de Natal. De plus, les philologues qui se sont voués à cette étude ingrate ont signalé des ressemblances dans le mécanisme grammatical aussi bien que dans le vocabulaire des langues. Ce n’est pas à dire toutefois que ces idiomes conservent aujourd’hui beaucoup de traits communs. L’absence de l’écriture, la diversité des coutumes, le manque de relations habituelles entre les membres épars de cette grande famille, sont cause que chaque tribu s’est fait un dialecte à part. Chacune d’elles a emprunté aux circonstances et aux étrangers qu’elle a fréquentés de nouveaux motifs de diversité. Sur la côte occidentale, des mots portugais se sont infiltrés dans le langage; près du cap de Bonne-Espérance, on retrouve de l’anglais et du hollandais; un peu partout, jusqu’à des distances considérables du littoral, les Arabes ont laissé des traces.

En dépit de toutes ces altérations locales, les peuples de l’Afrique australe se présentent avec une unité d’aspect vraiment singulière. Il est triste d’avoir à le déclarer, c’est au centre du continent qu’ils sont en l’état le plus prospère et non sur les côtes, où ils ont subi depuis des siècles l’influence européenne. C’est surtout au commerce des esclaves qu’il faut s’en prendre. La traite fleurit à Zanguebar; dans le Mozambique, elle a alimenté les colonies de l’île de France et de l’île Bourbon, et maintenant qu’elle ne peut être exercée que par des voies clandestines, grâce à une surveillance rigoureuse, elle envoie ses victimes on ne sait où.

Les populations noires de l’Afrique septentrionale ne s’étendent pas jusqu’aux bords de la Méditerranée. Vers l’est, elles dépassent à peine la vallée du Nil et le méridien de Khartoum; elles occupent tout le Soudan, remontent au nord le long du Dhioliba jusqu’à Tombouctou, et s’arrêtent à la rive gauche du Sénégal. Le reste du continent appartient à des peuples de sang blanc, Gallas, Abyssins, Nubiens, Égyptiens primitifs et Berbères. D’ailleurs la limite des nègres purs est mal définie, car sur toutes les frontières où les deux races sont en présence le pays est habité par des sangs mêlés, des négroïdes, issus de l’alliance des nègres avec leurs voisins de sang blanc. De même que chez les peuplades de l’Afrique australe, on a cru reconnaître chez les nègres qui sont au nord de l’équateur quelques traces d’une commune origine. Il existe entre tous les idiomes du Soudan des rapports plus ou moins apparens dans la grammaire et dans les mots. En réalité, des bords du Nil à la côte de Guinée, en traversant le Soudan, on ne saurait signaler de différences caractéristiques dans les mœurs et les qualités physiques des peuplades noires.

Les peuples de sang blanc auxquels appartient l’Afrique septentrionale méritent davantage de fixer notre attention. Sont-ils vrai-