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également celles qui sont conclues par un gouvernement ou par des ministres dont le vœu populaire trouve bon par la suite, pour un motif ou pour un autre, de se délivrer. Si le peuple est souverain, les ministres et les gouvernemens ne sont que ses mandataires. C’était à lui de les bien choisir ou de les désavouer à temps. S’il a mal placé sa confiance ou s’il l’a retirée trop tard, qu’il porte la peine de sa négligence. Une révolution de plus ou de moins ne fait ici rien à l’affaire. C’est une satisfaction personnelle qu’un peuple se donne, un passe-temps tout intérieur qui ne peut affecter ses relations avec autrui : res inter alios acta quæ aliis neque nocere neque prodesse potest. La justice a dicté cette règle au droit civil, le droit international ne saurait avoir la prétention de s’y soustraire.

On dira, je le sais, que cet hommage rendu à la foi publique, si complet et même si dévot qu’on le suppose, sera toujours une faible garantie, parce qu’en matière de traités internationaux il n’y a pas, comme en matière de droit civil, de tribunaux pour donner l’interprétation des textes et d’huissiers pour en assurer l’exécution, que dès lors le plus fort trouvera toujours, pour se délivrer des restrictions qui le gênent, quelqu’une de ces subtilités ou de ces chicanes qui ont tant de valeur dans sa bouche. On ajoutera, les tristes leçons de l’histoire à la main, que le mal ne date pas d’hier, que les rois ne se sont jamais fait faute de se couvrir de ces équivoques, ou même de s’en passer et de marcher par un chemin direct ou détourné, en dépit de tous les traités du monde, au but que convoitait leur ambition. On conclura que l’explication donnée du trouble présent est insuffisante, et le remède tout moral que je propose aussi insignifiant qu’inapplicable. À quoi je réponds d’abord que, si les puissans d’autrefois ont failli, ce n’est pas une raison pour que ceux d’à présent les imitent, puis qu’il y a une différence énorme, à laquelle les passions ne se méprennent pas, entre des infractions même fréquentes à une morale reconnue et l’introduction d’une morale nouvelle qui légitime le péché et met le pécheur en sûreté de conscience. Les mauvaises actions comme les mauvaises herbes croissent sur tous les terrains du monde ; mais les mauvais principes sont des pépinières qui les fécondent et les multiplient. Cela dit et ces réserves faites, je conviens sans nulle difficulté qu’abandonnés à eux-mêmes, dans le conflit des passions humaines, l’honneur et la conscience seront toujours pour le droit et la foi des traités de bien fragiles appuis. Pour en assurer le respect, quelques précautions plus matérielles seront toujours indispensables ; mais ces précautions existent, l’expérience les a consacrées. Le droit ancien s’en accommodait. C’est le droit nouveau qui prétend s’en affranchir, et ses théoriciens l’y encouragent en soutenant