Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/714

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans ses nombreuses lettres au ministre de la guerre, M. de Vauréal ne désigne pas seulement le parlement comme l’instigateur principal de l’agitation ; il attaque directement le duc de Chaulnes en s’efforçant d’établir que ce personnage, dans sa profonde indifférence pour le sort d’une province où il se considère comme en exil, voudrait y voir s’élever des troubles afin d’accroître l’importance de son gouvernement. En faisant sa large part à une inimitié réciproque, il résulte de cette correspondance que M. de Chaulnes était un maladroit sans scrupule, et l’amie de Mme de Pompadour une impertinente sans esprit. Loin d’adoucir les froissemens que le débat engagé entre la cour et les états rendait inévitables, M. de Chaulnes semblait prendre plaisir, à les aggraver, et les temps du maréchal de Montesquiou étaient à la veille de renaître. La grève des états durait depuis huit jours, et leur malheureux président, épuisé de fatigue, invoquait en vain la pitié, lorsqu’il eut la pensée de convoquer les ordres en assemblée générale, non pour délibérer, puisque la noblesse persistait à s’y refuser, mais pour entendre une communication du roi. On accourut avec empressement, et M. de Vauréal lut d’une voix solennelle la lettre habituelle où le monarque remerciait ses fidèles sujets de leur empressement à lui accorder le don gratuit, les invitant en termes pressans à s’occuper sans retard de tous les intérêts du pays. Quoique cette lettre, rédigée d’après un modèle à peu près invariable, ne contînt que les lieux communs d’usage, un appel direct à son zèle, à sa fidélité, remua jusqu’au fond du cœur cette noblesse, et un cri prolongé de vive le roi ! ébranla le cloître des cordeliers. M. de Vauréal, en tacticien parlementaire, saisit l’instant favorable, et, sans faire aucune allusion ni à l’abonnement ni au vingtième, proposa d’entamer immédiatement les affaires, avis qui passa sans contradiction.

Le calme de l’assemblée ne survécut guère à l’incident qui l’avait provoqué. Pendant que l’on travaillait aux matières ordinaires, survint une lettre du roi qui, d’après les informations antérieures envoyées par M. de Chaulnes sur l’inaction systématique des états, leur enjoignait par exprès commandement d’avoir à délibérer sans discontinuer, sous peine de désobéissance. Le duc de Chaulnes crut devoir communiquer cette lettre à l’assemblée, quoique la prudence prescrivît d’en suspendre la lecture tout au moins inutile, puisque les dispositions étaient changées. À cette communication, des clameurs partirent des rangs de la noblesse, qui se déclara calomniée auprès du roi par le commandant de la province. Elle refusa de donner acte d’un message qu’elle déclarait outrageant pour son honneur, puisqu’une pareille lettre impliquait le soupçon de désobéissance ; mais le tiers, fort irrité de l’attitude prise par l’ordre