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parlons, les forces dont pouvait disposer le prince royal s’élevaient à 67,000 hommes. Celles du général Benedeck, le même jour, c’est-à-dire le 28 juin, se composaient de six corps d’armée, ensemble 150,000. Au lieu d’engager avec cette masse de troupes une action générale, l’état-major autrichien envoya le corps de Ramming se faire battre le 27, l’archiduc Léopold le 28, le comte Festetics le 29. Le 28 également, Gablenz, que l’on avait laissé à Trautenau sans secours, fut battu de son côté. Quant aux corps du comte Thun et de l’archiduc Ernest, on ne jugea pas à propos de les engager. Pourquoi ces attaques partielles au lieu d’une grande attaque d’ensemble ? Pourquoi ces corps successivement détachés pour aller s’offrir aux coups meurtriers du fusil à aiguille ? Il est bien difficile de le deviner. A mesure que l’effectif des armées va en augmentant, les hommes deviennent plus rares qui soient capables de les conduire, de les faire manœuvrer, de les nourrir et de les amener au moment opportun sur un champ de bataille favorable. L’état-major autrichien a évidemment fait une erreur, facile à reconnaître après coup, mais sans doute moins saisissable au moment de l’action, bien que l’opinion se soit aussitôt et généralement exprimée sur la faute commise. Il avait, dit-on, reconnu à Königinhof, à une journée de Skalitz, une position qu’il jugeait excellente, et c’était là qu’il se proposait d’attirer l’ennemi pour y livrer une action décisive ; mais il faut le génie de César ou de Napoléon pour choisir ainsi son terrain d’avance et contraindre l’ennemi à y accepter la bataille. Le résultat de cette malencontreuse combinaison fut que l’ennemi refusa de se laisser contenir, occupa lui-même Königinhof, et qu’il fallut se replier sur Königsgrätz, où se réunirent, poussées les unes sur les autres, toutes les masses de l’armée autrichienne ; mais elle avait cruellement souffert : la plupart des corps qui la composaient avaient été, chacun à leur tour, mal engagés et battus. Ils avaient perdu canons et drapeaux, et non-seulement on les avait exposés à l’action du fusil à aiguille de manière à fort ébranler le moral du soldat, mais on l’avait fait systématiquement de la façon la plus meurtrière.

Chaque armée a une manière de combattre qui lui est propre et qui est peu susceptible de changement, parce qu’elle tient au caractère national. Aux uns, l’impétueux génie de l’attaque : ceci a toujours été le partage du soldat français ; à d’autres une force de résistance inébranlable : c’est là le mérite particulier du soldat anglais. L’histoire de la guerre d’Espagne, de 1809 à 1813, offre une suite de batailles toutes défensives, dans lesquelles la furie française vient continuellement se briser contre la fermeté britannique. C’est que lord Wellington, avec son génie prudent et réfléchi, ne demandait jamais à son armée rien qui ne fût en accord avec