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moindre charme aux yeux des Japonais ; il effraie par momens la noblesse, qui craint de voir diminuer le respect dont elle est entourée, mais il effraie davantage le peuple, qui ne veut à aucun prix de notre égalité. Son bonheur est de n’avoir rien à démêler dans les affaires publiques, de ne pas être soldat, de n’être assujetti à, aucune convenance extérieure, enfin, par cela même qu’il n’est rien, de passer inaperçu et de jouir d’une liberté extrême.

Laissons donc de côté les rêves de régénération qui ont pu entrer dans nos esprits ; restons convaincus que nos idées politiques ne sont goûtées de personne au Japon, que le seul moyen d’acquérir de l’influence est d’accepter les hiérarchies sociales que nous rencontrons, telles qu’elles sont acceptées par les intéressés eux-mêmes ; avant tout, occupons-nous du pays au point de vue de la géographie, des ressources agricoles, des procédés manufacturiers, des exportations, et avouons-nous franchement que de ce côté nous avons tout à apprendre. Que l’avenir fasse tomber plus tard le régime féodal sous les coups d’un despotisme encore ignoré ou d’une démocratie dont les germes n’existent même pas, notre rôle politique doit être tout d’abstention, sous peine de voir détruire en un instant des relations qui ont demandé, pour s’établir, tant de tact et de prudence. Par intérêt et par calcul, notre seule mission est de nous initier commercialement aux besoins du pays et de nous lier avec lui de telle sorte qu’au milieu des événemens de toute nature que le temps fera naître nous restions indispensables au point d’être sacrés. Nous avons atteint ce but dans les états du taïcoun, nous devons chercher à l’atteindre chez les autres princes au fur et à mesure que nous sentirons le terrain assez solide sous nos pieds.


J. LAYRLE.