Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/978

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proportion rapide du défrichement et de la mise en exploitation de toute la superficie du sol de l’île. Les Pays-Bas trouveront donc plus tard de larges compensations à la secousse qui va se produire dans leur colonie au nom de la liberté de chacun et pour l’émancipation de la race javanaise. On peut tout attendre du reste du caractère énergique et patient des Hollandais. Leur existence chez eux est une lutte perpétuelle contre la nature ; à Java et dans tout l’archipel, chaque pas qu’ils ont fait en avant a été une victoire contre des ennemis nombreux et braves ; ils ont gouverné les vaincus avec douceur, et admirablement mis la terre en valeur par leur système de culture. Le temps leur montre tout ce que ce régime poussé à outrance a de factice, ils profitent des avertissemens de l’expérience, et, malgré une polémique violente qui les pousse à la prompte destruction de tout l’édifice, ils attendent le moment favorable pour le reconstruire sur des bases larges et durables, sans pertes pour l’état ni la colonie.


III

Cette marche lentement progressive du gouvernement néerlandais vers un changement de régime intérieur à Java était encore peu appréciable aux premières heures de notre prise de possession de la Cochinchine. On ne connaissait guère du système du général van den Bosch que les rapides résultats économiques qu’il avait produits. Les observations lues dans les livres écrits sur la colonie ou faites en passant à Batavia, dans une courte relâche, portaient plus à l’admiration qu’à la critique. Une ville splendide, une nature luxuriante, une large hospitalité, une population nombreuse, sage et riche, tout enfin séduisait.

On comprend tout de suite le désir de bien des Français, dès la conquête des trois premières provinces, de prendre pour modèle ce système d’administration qui faisait pour ainsi dire jaillir les millions de la terre. D’ailleurs à cette époque, au commencement de 1862, nous marchions presque dans l’inconnu en ce qui concernait les rapports de l’ancien gouvernement annamite avec ses administrés. Les codes indigènes, déjà traduits cependant, ne suffisaient pas toujours à bien expliquer le mécanisme social de la nation. Les interprètes étaient peu nombreux et obscurcissaient plus souvent qu’ils n’éclairaient les textes douteux. Dans ces conditions, on se sentait porté à changer tout ce qui existait, à suivre des idées préconçues copiées chez des voisins, plutôt qu’à subir le genre d’administration qui avait eu force de loi jusqu’à notre