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muids d’eau-de-vie équivalant à 23,440 hectolitres, 5,850 livres de beurre frais, 78 millions d’œufs, des fruits et des légumes pour une valeur de 12,500,000 francs, 90 millions de livres de viande, 1,200,000 francs de poisson d’eau douce, 1,500,000 francs de salines. Dans son tableau, qui comprend la droguerie, l’épicerie, le bois à brûler, Lavoisier ne donne aucun chiffre pour la marée. Un tel approvisionnement serait aujourd’hui si facile, grâce à nos moyens de transport perfectionnés, qu’il ne causerait aucun souci à l’administration; mais en 1789 il n’en était pas ainsi. Il y avait là un problème économique et politique que la perturbation des provinces, l’état déplorable des chemins, les habitudes routinières de la population, joints à une récolte insuffisante, ne permettaient pas de résoudre aisément.

Les différentes assemblées qui se succédèrent n’eurent que trop l’occasion de s’en convaincre. C’est en vain qu’on accumule les lois sur les décrets, les ordonnances de police sur les arrêtés des communes. Les boulangers aux abois, menacés par le pouvoir, menacés par la population, guillotinés par l’un, pendus par l’autre, restaient impuissans en présence des exigences universelles et des greniers dégarnis. On a beau, par le décret du 26 juillet 1793, déclarer que l’accaparement est un crime capital, par un arrêté communal du 3 frimaire an II ordonner de ne faire qu’une seule espèce de pain, le pain de l’égalité, promulguer même la fameuse loi du maximum; la disette ne fait qu’augmenter, et la famine est, pour ainsi dire, l’état normal de Paris pendant toute l’époque révolutionnaire.


II. — LE SERVICE GÉNÉRAL DE L’APPROVISIONNEMENT.

Dès qu’on put respirer, on mit fin à toutes les prescriptions exceptionnelles dont on avait cru devoir embarrasser un commerce qui, plus que tout autre peut-être, a besoin de n’être gêné par aucune entrave. La loi du 21 prairial an V rétablit la libre circulation des grains à l’intérieur. Quant à la liberté d’exportation et d’importation, elle ne fut jamais régulièrement appliquée sous le consulat ni sous l’empire. On ne pouvait raisonnablement l’attendre du souverain qui avait rêvé le système du blocus continental. Cependant le régime prohibitif est adouci par la loi du 25 prairial an XII. On autorisa la sortie des blés, mais pour certaines destinations seulement, destinations sévèrement désignées, parfois modifiées, qui restaient toujours soumises à l’appréciation ministérielle. L’échelle mobile, qui, avec des variations indépendantes du principe même, a fonctionné jusqu’à l’époque récente où la loi du 15 juin 1861 a établi la liberté du commerce, date en réalité du 6 juillet 1806. Ce système