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très pénibles qui, en ce moment même, pèsent d’une façon redoutable sur le nord de l’Europe et sur l’Algérie. Le meilleur moyen de ne jamais manquer de blé est encore de supprimer les droits de douane et d’abaisser jusqu’aux dernières limites les frais du transport des céréales sur les chemins de fer. Malgré le décret du 22 juin 1863, la situation de la boulangerie parisienne n’a donc pas essentiellement varié; elle échappe, il est vrai, à la limitation et à l’approvisionnement forcé, mais elle est restée exposée à l’influence directe de l’autorité dès que le prix du pain dépasse un certain taux. Par là, le gouvernement semble se démentir lui-même. Doit-on l’approuver ou le blâmer? C’est aux économistes à décider la question. Il ne faudrait pas s’étonner cependant, si la récolte des années prochaines n’est pas abondante, qu’on en revînt purement et simplement à la taxe périodique. Si ce système est contraire à la liberté des transactions, il a du moins cet avantage inappréciable de rassurer la population et de lui prouver qu’elle ne paie pas le pain au-dessus de sa valeur réelle.

Il est inutile de dire comment se fait le pain. Tout le monde sait qu’un ferment est nécessaire pour faire lever la pâte, c’est-à-dire pour développer en elle du gaz carbonique qui la gonfle, la perce de cavités nombreuses, la rend légère, nourrissante et digestive. On opère généralement à Paris avec du levain, portion de pâte déjà fermentée et gardée dans une pièce dont la température est invariable, ou avec de la levure de bière. Ce qui constitue l’infériorité indiscutable du pain parisien par rapport au pain allemand, c’est que ce dernier est toujours fait avec une levure particulièrement riche, et dont la préparation est l’objet de précautions spéciales, tandis que la levure sèche dont on se sert pour le nôtre, pour peu qu’elle ne soit pas employée dans des proportions précises, donne à la pâte une saveur désagréable. Un quintal métrique de farine produit 130 kilogrammes de pain; le blé rend poids pour poids : ce sont là du moins les calculs officiels vérifiés par l’expérience et desquels on s’est toujours inspiré pour établir la taxe.

Une cause qui tend à maintenir le pain à un taux élevé, c’est que l’exploitation des boulangeries a augmenté dans des proportions considérables. Au moment de l’extension de Paris, il y avait dans la ville et les communes annexées 920 boulangeries; aujourd’hui on en compte 1201[1]. La clientèle s’est donc répandue et divisée; mais les frais n’ont pas diminué d’une manière sensible, et dès lors le prix n’a pu être abaissé. La préfecture de la Seine, afin d’assurer à la population des subsistances en rapport avec les petites

  1. C’est beaucoup moins qu’au XVIIe siècle. En 1680, il y avait à Paris 650 boulangers fabriquant des petits pains, et dans les faubourgs 950 vendant du gros pain.