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du caractère et de l’histoire des Magyars peut seule répondre. Nous en présenterons donc une rapide esquisse. Qui ne connaît pas ces faits ne peut rien comprendre à ce qui se passe maintenant en Autriche, ni rien prévoir de ce qui suivra. Je crois d’ailleurs qu’il n’y a pas d’histoire qui montre mieux que celle de la Hongrie l’héroïsme que peut inspirer l’amour de la patrie et de l’indépendance. Elle mériterait d’être enseignée partout, afin d’apprendre à la jeunesse combien la conquête de la liberté coûte d’efforts persévérans, de sanglans sacrifices, et de quelles grandes choses est capable une nation faite pour en jouir. Tandis que tous les autres pays, sans excepter même l’Angleterre, ont subi pendant un temps le joug du despotisme, jamais les Hongrois ne s’y sont résignés. Toujours ils ont eu l’âme assez haute pour aimer la liberté plus que le repos, l’aisance, la vie même, et le bras assez fort pour repousser ceux qui prétendaient la leur ravir. Dès le jour où ils ont décerné la couronne de Saint-Étienne aux Habsbourg, ceux-ci ont tout fait pour les soumettre à leur pouvoir arbitraire. Plus d’une fois dans cette lutte, qui a duré deux siècles, les Hongrois ont été défaits, ils n’ont jamais été domptés. Soit par la force des armes, soit par la résistance légale, ils ont toujours fini par imposer au souverain le respect de leurs droits héréditaires. La plupart des autres états n’ont point su préserver leur liberté des entreprises de leurs rois, appuyés seulement sur une partie de la nation, l’armée et les fonctionnaires ; les Magyars ont défendu la leur contre une dynastie entourée du prestige de la dignité impériale et disposant des forces de dix royaumes. Dans un temps où certains peuples semblent prêts à se soumettre au pouvoir absolu comme on se courbe sous l’inéluctable nécessité d’une loi physique, il est salutaire de rappeler l’exemple de ceux qui ont cru que le pire des maux était la servitude. A cet effet je ne connais rien qui vaille les annales de la Hongrie, sauf celles des Pays-Bas à l’époque où ils s’affranchirent de l’inquisition romaine et du despotisme espagnol. La résistance des Hollandais a été peut-être plus héroïque dans ses actes, plus pure dans ses motifs, plus glorieuse dans ses résultats ; celle des Hongrois a duré plus longtemps et n’a pas été moins persévérante. Voulez-vous inspirer aux hommes l’amour de la liberté, parlez-leur sans cesse des peuples qui ont su la conquérir ou la garder, et cessez de leur vanter les capitaines fameux, les grands conquérans et les rois-soleils, César, Napoléon et Louis XIV.


I

N’est-il pas étrange que l’équilibre des peuples européens, si fiers de leur origine aryenne, dépende des résolutions d’une petite tribu