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de race jaune dont les plus proches parens sont les hommes les plus grossiers de notre continent, les Lapons ? Rien n’est plus vrai pourtant, car, sans le concours des Hongrois, l’Autriche ne peut ni faire la guerre, ni contracter une alliance, ni même continuer à subsister, et le démembrement de l’empire des Habsbourg amènerait sans doute tout un remaniement de la carte de l’Europe. Les Magyars appartiennent, nul ne le conteste, au groupe des peuples tartares ou touraniens qui, bien des siècles avant notre ère, habitaient les plateaux de l’Asie centrale et étaient engagés contre les populations de l’Iran dans des guerres perpétuelles dont les antiques traditions mazdéennes ont conservé le souvenir. Ils sortent de la même souche que les Finnois, les Turcs et les nomades de la Tartarie indépendante. Par ses racines, par sa syntaxe, par son génie, leur langue n’a aucun rapport avec les dialectes indo-germaniques. Elle fait partie des idiomes que les linguistes ont appelés agglutinaitifs et qui sont parlés par la race jaune. On croit déjà la reconnaître dans les inscriptions cunéiformes trilingues de la Médie ; mais, si les Hongrois ont conservé dans leur langage la marque irrécusable de leur descendance touranienne, ils ont perdu presque complètement les caractères physiques du type tartare. Ils ne ressemblent pas du tout au portrait que les historiens anciens ont tracé de leurs ancêtres, les Huns. Ils n’ont plus la pommette saillante et les yeux relevés vers les tempes, traits distinctifs de la race jaune. C’est à peine si leurs cheveux noirs, leurs yeux bruns pleins d’éclairs et leur teint un peu basané rappellent encore une origine asiatique. Ils ressemblent aux Basques, ce peuple mystérieux qu’on ne sait à quel groupe rattacher, et qui, par l’intermédiaire des Finnois, aurait peut-être quelque lien de famille éloigné avec les Magyars. Pour expliquer le type que ceux-ci nous offrent aujourd’hui, il faut admettre que dans leurs veines coule une forte proportion de sang aryen emprunté aux populations slaves qui occupaient avant eux le territoire qu’ils ont conquis. Les Russes aussi proviennent incontestablement d’un croisement de Touraniens et de Slaves, mais chez eux il a produit des résultats différens. Ils ont les cheveux blonds, la peau blanche et les yeux clairs des Slaves, le nez un peu aplati et la pommette saillante des Tartares, tandis que les Hongrois tiennent de ceux-ci leur idiome et leur teint, de ceux-là la coupe du visage.

Rien n’est plus difficile que de décrire les qualités intellectuelles et morales d’un peuple. Je ne l’essaierai pas pour les Hongrois. Il y a cependant quelques traits de leur caractère qu’il est bon de noter, parce qu’ils peuvent avoir une grande influence sur la marche des événemens aux bords du Danube. Ce qui frappe chez les Magyars, c’est la force de la volonté. Dans leurs poursuites, ils