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en a rapporté présentant le même type des environs de Madrid ; enfin M. Noulet a été assez heureux pour en rencontrer un assez bon nombre non loin de Toulouse, et il a pu constater que les cailloux qui en avaient fourni la matière provenaient des Pyrénées et avaient dû être apportés de fort loin. M. de Mortillet, l’un des hommes les plus versés dans ces sortes de matières, a cru retrouver dans ces instrumens les indices de deux époques successives et bien caractérisées ; les haches lancéolées ou subtriangulaires seraient les plus anciennes et occuperaient la base du terrain ; dans un lit un peu supérieur et par conséquent plus récent, la forme ellipsoïde ou ovoïde allongée serait la plus répandue, et marquerait ainsi une sorte de changement analogue à ceux qu’amènent pour nos meubles le temps et la mode.

Les animaux contemporains de cette race n’étaient déjà plus tout à fait les mêmes que ceux des couches de Saint-Prest ; l’élimination qui a enlevé à l’Europe tant d’espèces était déjà commencée. On ne retrouve plus l’éléphant méridional, qui dans l’intervalle avait abandonné le nord avec le rhinocéros à narines minces et celui de Merk ; l’éléphant antique, devenu plus rare, cédait la place au mammouth et au rhinocéros à narines cloisonnées, animaux mieux adaptés par leur fourrure épaisse aux hivers septentrionaux. Cependant l’hippopotame fréquentait encore nos rivières, et le cerf à bois gigantesque, le renne, qui commençait à se répandre, plusieurs autres cerfs, des bœufs, des aurochs formaient avec le cheval d’immenses troupeaux pour qui l’ours et le tigre des cavernes étaient encore des ennemis plus redoutables que l’homme lui-même. Il est vrai qu’en dehors des instrumens qu’ils ont taillés nous ne connaissons presque rien de ces hommes ; à peine quelques débris d’ossemens, des dents, un morceau de crâne, la fameuse mâchoire de Moulin-Quignon, si controversée et qui paraît pourtant authentique, c’est là tout. A part certaines particularités de structure, on ne saurait rien avancer de sérieux sur cette race. Les hommes des temps qui suivirent sont mieux connus, quoique, dans tout ce qui tient à l’anthropologie proprement dite, la lumière ne se fasse que très tard, c’est-à-dire lorsqu’on avance jusque dans l’âge du renne.

L’anthropologie, qui n’est que de l’anatomie comparée appliquée à l’homme, a pris une importance toute particulière dès qu’il s’est agi d’apprécier le caractère des races primitives par l’étude de leurs ossemens. Il a fallu d’abord créer des points de repère destinés à servir de base aux déductions analogiques, et par conséquent fixer la signification relative des diverses parties du squelette ainsi que la valeur des modifications qu’il présente lorsqu’on passe d’un groupe à l’autre ; il a fallu enfin ne négliger aucun indice matériel