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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/391

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C’est à l’Italie encore que revient l’honneur d’avoir possédé la première académie scientifique. En 1603 fut fondée à Rome l’académie des Lyncées. Le lynx était un emblème significatif. Ne dit-on pas dans le langage vulgaire avoir des yeux de lynx, tant il a été répété d’après une croyance fort ancienne que le lynx est l’animal doué de la vue la plus perçante? La tendance de l’association naissante était donc clairement exprimée : il s’agissait de voir et surtout de bien voir, sans se préoccuper des opinions d’autrefois. L’académie des Lyncées comptait parmi ses membres Galilée, Stelluti, l’anatomiste Severino, Fabio Colonna, célèbre par ses études sur les plantes et sur les animaux marins, et d’autres savans d’une véritable distinction. Un jeune homme appartenant à une très illustre famille, le prince Cesi, s’était dévoué au succès de l’association. Son palais était le lieu des réunions; par ses soins et à ses frais furent créés un cabinet d’histoire naturelle, un jardin botanique, une bibliothèque, une collection de manuscrits. Ce n’était point assez pour ce protecteur aussi ardent qu’éclairé; il entretenait des dessinateurs pour les besoins des naturalistes. Très occupé lui-même des perfectionnemens du télescope et du microscope, il faisait construire de ces instrumens pour les offrir aux savans qu’il jugeait capables d’en faire un emploi utile. L’académie des Lyncées n’avait pas de publication collective, mais elle favorisait les publications particulières de ses membres. Privée de la munificence de son riche protecteur, qui mourut en 1630, cette compagnie ne tarda pas à languir. Le commandeur Cassiano del Pozzo lui donna asile dans son palais, et le cardinal Barberini, neveu du pape Urbain VIII, lui prêta encore quelque appui. Néanmoins elle disparut en 1651.

C’est aussi vers le milieu du XVIIe siècle que se forma en Angleterre une compagnie savante qui a su se faire une grande place dans la civilisation moderne. En général les sciences, comme les lettres et comme les beaux-arts, ont leurs jours d’éclat chez les nations qui jouissent d’une certaine quiétude. La pensée des conquêtes de l’intelligence occupe rarement ceux pour qui un lendemain paisible n’est point assuré. Pourtant il est parfois des époques d’agitation où des esprits d’élite s’abandonnent volontiers aux plus hautes aspirations et rêvent des grandeurs capables-de leur faire oublier les maux dont ils sont entourés. Nous en avons ici un remarquable exemple. La Société royale de Londres date des jours les plus troublés de l’Angleterre, de l’année 1645, Pannée même de la bataille de Naseby, qui consomma la ruine de la puissance de Charles Ier. Quelques hommes de savoir et d’intelligence, et, suivant les expressions de l’historien de la Société royale, « curieux des choses de la nature et de la nouvelle philosophie expérimen-