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nuit sur le lieu du combat; le lendemain ils couronnèrent les hauteurs et campèrent au-dessous de Magdala, où l’ennemi s’était réfugié.

Qu’allait faire Théodore? En arrivant à Magdala le 29 mars, ce monarque avait donné l’ordre de débarrasser les captifs européens de leurs fers; il avait reçu M. Rassam avec cordialité, et lui avait montré avec orgueil l’énorme mortier qu’il amenait de Debra-Tabor. Cependant il avait l’air abattu; ses espions lui rapportaient de tristes nouvelles de la marche triomphante de ses ennemis. Craignant de manquer de vivres, il fit mettre en liberté 308 prisonniers indigènes; ceux-ci refusèrent de partir, si l’on ne voulait pas leur donner de provisions. Théodore se mit alors dans une fureur atroce, et fit jeter dans le ravin qui borde le Selagmi tous ceux qui réclamaient; près de 200 de ces malheureux périrent; puis vint la funèbre journée du vendredi. Le soir, son armée était presque détruite, ses plus fidèles partisans avaient disparu. A minuit, il fit appeler M. Rassam et M. Flad, leur avoua que sa puissance était anéantie, et les pria de s’interposer entre lui et leurs compatriotes. Le samedi matin, le lieutenant Prideaux et M. Flad, accompagnés d’un chef abyssin, se présentèrent en effet devant sir Robert Napier, demandant la paix au nom du roi des rois de l’Ethiopie; mais le général en chef répondit qu’il ne voulait traiter qu’à trois conditions : tous les prisonniers européens seraient mis immédiatement en liberté, les portes de Magdala seraient ouvertes, et Théodore se rendrait à merci. On peut s’étonner que le tyran, au reçu de cette réponse décourageante qui ne lui laissait aucun espoir, n’ait pas sacrifié, dans un mouvement de colère, tous les captifs qui étaient encore en son pouvoir. Se sentant perdu, il essaya, paraît-il, de se brider la cervelle; ses soldats l’en empêchèrent. Il eut alors un long entretien avec M. Rassam, puis il prit la résolution de renvoyer les Européens qui étaient la cause de cette guerre fatale, et les fit partir le soir même avec l’espérance qu’ils intercéderaient pour lui. Le lendemain, jour de Pâques, il envoya au camp anglais 1,000 vaches et 500 moutons, disant que c’était grande fête et qu’il tenait à ce que l’armée pût la célébrer dignement. Sir Robert Napier ne voulut même pas recevoir ces présens. Le lundi, dès le matin, un régiment vint s’établir sur le Selagmi, à l’endroit même où Théodore avait passé la nuit. Celui-ci, décidé à se défendre jusqu’au bout, aimant mieux périr que se rendre, avait eu