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condition que se fît ma nomination à l’archevêché de Paris. L’option alors n’aurait pas lieu, et celle que je fais en ce moment n’est qu’une formalité conservatrice de mon siège de Lyon. Du reste je ne voudrais pas d’une administration qui m’assimilerait à un simple grand-vicaire. Ce serait jeter l’alarme, paralyser le bien que je pourrais faire dans Paris, et faire une chose qui ne convient pas à ma dignité. Le décret de ma nomination doit subsister et avoir son plein effet jusqu’au moment où l’empereur nommera un autre archevêque, et fera connaître au public mon option pour le diocèse de Lyon. Je le répète, l’option que je fais en ce moment n’est que conservatrice de mon, siège de Lyon, et après cette protestation rien n’empêche que je prenne le titre de nommé à l’archevêché de Paris[1]. »

Il était facile au cardinal Fesch de développer au ministre des cultes les ingénieuses combinaisons où se complaisait son orgueil, et par suite desquelles, sans rompre ni avec l’empereur ni avec le saint-père, il aurait continué à gouverner à lui seul les deux plus importans diocèses de France. Napoléon ne l’entendait pas ainsi. Ce qu’il voulait, c’est que dans la querelle religieuse maintenant pendante le premier dignitaire du clergé de France se rangeât de son côté, et prît ouvertement parti pour lui et contre le saint-père. A cela Fesch ne voulut jamais consentir. En vain l’empereur fit tout ce qui dépendait de lui pour vaincre une résistance d’autant plus pénible qu’elle venait d’un membre de sa famille, il n’obtint rien, et son oncle demeura inflexible. Ce fut à Fontainebleau, au sortir d’une conversation très animée avec le cardinal Fesch, que l’empereur, envoyant chercher le cardinal Maury, lui annonça brusquement qu’il l’avait nommé à l’archevêché de Paris, et tout aussitôt, sans autre formalité, lui fit en cette qualité prêter serment entre ses mains. L’abbé Lyonnet, aujourd’hui archevêque d’Albi, auquel nous devons une vie détaillée de Fesch, raconte que ce fut l’oncle de l’empereur qui, bien contre son gré, car il n’avait aucun goût ni aucune considération pour le cardinal Maury, fit venir à l’empereur l’idée de ce choix, auquel personne alors ne s’attendait. Suivant l’abbé Lyonnet, Napoléon aurait sommé Fesch de prendre définitivement possession du siège archiépiscopal de Paris. « Sire, aurait répondu le cardinal, j’attendrai l’institution canonique du saint-père. — Mais le chapitre vous a donné des pouvoirs. — C’est vrai, mais je n’oserais pas en user en cette circonstance. — Vous condamnez donc, reprit l’empereur irrité, les évêques nommés d’Orléans, de Saint-Flour, d’Asti, de Liège, etc. ? Je saurai

  1. Lettre du cardinal Fesch à M. le comte Bigot de Préameneu, 4 septembre 1810.