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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/618

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Maury, son parti de rompre ouvertement avec le saint-siège, l’empereur n’hésita pas à tromper sciemment M. d’Osmond. Il l’assura que sous peu de jours les affaires entre la France et Rome seraient arrangées, et que les bulles qu’il réclamait lui seraient expédiées pendant qu’il serait en route. M. d’Osmond hésitait encore ; mais il reçut du ministre des cultes l’ordre de partir immédiatement et de se rendre à Lyon, où il attendrait ses bulles. Il fallut obéir, dit son pieux biographe[1]. Par suite de la même obéissance, attendant toujours ses bulles et ne les recevant jamais, M. d’Osmond s’arrêta successivement à Turin, puis à Plaisance. Quand il arriva le 7 janvier 1811 à Florence, il y trouva tous les esprits vivement émus du conflit qui, à propos de sa nomination et de celle du cardinal Maury, venait de s’élever entre Napoléon et Pie VII, conflit qu’il était facile de prévoir, et dont il nous reste maintenant à rendre compte.


III

Pie VII, relégué à Savone sans conseillers, sans secrétaires, sans archives, avait, comme nous l’avons déjà dit, fait par conscience tous ses efforts pour tâcher de suffire à lui seul à l’expédition des nombreuses affaires spirituelles qui relevaient de la décision personnelle du souverain pontife. Il était entré à cet effet en correspondance avec plusieurs des évêques et un nombre considérable de fidèles de l’église de France. En général cette correspondance avait lieu par l’intermédiaire de l’évêque de Savone, qui remplissait à peu près l’office d’agent d’affaires du clergé auprès du saint-père. Cela se passait à la connaissance et de l’aveu de l’empereur sous la surveillance du général Berthier, ainsi que du préfet de Montenotte. Loin de gêner ces communications, qui ne contrariaient pas sa politique, Napoléon les avait vues plutôt de bon œil, car elles lui servaient à soutenir que le pape n’était pas du tout prisonnier, et que rien ne l’empêchait, s’il le voulait, de pourvoir au gouvernement de l’église. Plusieurs des demandes adressées par l’épiscopat français à Pie VII avaient justement pour but de parer à quelques-uns des inconvéniens résultant des habitudes introduites dans la nouvelle société française par l’établissement d’un régime si despotique et si exclusivement militaire. Les dix-neuf évêques signataires de la lettre du 25 mars 1810, la plupart admirateurs passionnés de l’empereur, afin de motiver la demande qu’ils adressaient au pape de pouvoir accorder eux-mêmes directement certaines dispenses de mariage, avaient été obligés

  1. Voyez la Vie épiscopale de M. d’Osmond, par l’abbé Guillaume, p. 565 et suiv.