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attaquée par deux ou trois larves. Cela suffit pour compromettre définitivement une récolte. Si l’on suppose que les autres terres arables de la Seine-Inférieure contiennent la même proportion de larves, on ne doit pas évaluer à moins de 25 millions de francs l’importance du dommage dans tout le département. Encore cette proportion était quelquefois dépassée chez M. Reiset. Il y avait des champs qui étaient littéralement infestés ; aussi l’habile agriculteur n’a-t-il pas reculé devant la nécessité d’y faire jusqu’à trois labours successifs. Les époques et la profondeur de ces labours furent déterminées d’après les indications fournies par une fouille spéciale où l’on pouvait étudier le nombre et le degré d’enfoncement des larves dans le sol. Ces trois labours furent faits au mois d’octobre, avant les plantations de colza. Ils donnèrent le premier 170, le second 111, le troisième 63 kilogrammes de vers blancs, en somme 344 kilogrammes, c’est-à-dire que l’on fit disparaître par ce moyen 172,000 insectes. La dépense avait été, il est vrai, de 11 francs 80 par hectare ; mais la récolte fut très belle, tandis que celles de fermiers voisins qui n’avaient pas pris les mêmes soins furent tout à fait perdues.

Quand le hanneton adulte a pris sa volée, il n’importe pas moins de faire la chasse à ce dévastateur et prolifique coléoptère. Ses mœurs du reste rendent cette chasse facile et abondante. Les hannetons n’ont guère que trois ou quatre heures d’activité par jour, le matin et le soir, peu après le lever et le coucher du soleil. C’est alors qu’il faut entendre leur bourdonnement sonore, quand ils traversent l’air d’un vol irrégulier et gauche en se heurtant à tous les obstacles. Le reste de la journée et toute la nuit, ils sont plongés dans un engourdissement profond. Accrochés à la face postérieure des feuilles, ils demeurent immobiles et tellement inertes que le moindre ébranlement suffit pour les détacher et les faire tomber sur le sol. C’est surtout à l’aube du jour, avant que la rosée ne soit évaporée, qu’on recueille un grand nombre de ces insectes encore endormis en allant secouer les branches des arbres et des arbustes. Dans les campagnes, les vieillards, les femmes, les enfans, se livrèrent avec ardeur à ces sortes de battues dès que l’administration eut proposé des primes de 20 et de 10 francs par 100 kilogrammes de hannetons. Les fonds consacrés à cet usage furent promptement absorbés. On a dû réduire de beaucoup la récompense offerte, et cependant le zèle des pourchasseurs de hannetons ne s’est pas ralenti. Quelques chiffres pourront donner une idée de l’importance des résultats obtenus.

On règle en ce moment même les comptes de la caisse départementale de la Seine-Inférieure, et d’après M. Reiset les primes pour le hannetonage s’élèvent à 80,000 francs. Elles ont amené la