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rude besogne, surtout la dernière, le hussisme du Thabor, plus remplie que les autres de l’esprit de l’ancienne alliance, guerrière et violente, pénétrée du précepte de Moïse, œil pour œil, dent pour dent. Elles ont fourni un immense contingent de victimes humaines à la grande unité dévorante, et, à la faveur du tumulte causé par toutes ces diversions, l’humble valdisme a pu passer sinon inaperçu, du moins sans être entièrement détruit, jusqu’au moment solennel de l’histoire où nous l’avons laissé : église occulte, insaisissable, fuyante, se mêlant à tout ce qui proteste dans la limite du christianisme, et donnant la main à quiconque se lève pour combattre au nom de la foi ancienne contre l’innovation romaine. Cette disposition à faire cause commune avec les autres sectes a égaré le jugement de plusieurs historiens, qui ont vu le valdisme sous les manifestations diverses des wicklefites et des lollards anglais, des hussites slaves, des fraticelli italiens et des beghards flamands. C’est une pure illusion analogue à celle qui avait assimilé les vaudois aux cathares albigeois. Le valdisme a gardé au milieu de toutes ces apparitions sectaires sa personnalité mobile, mais vivace, se laissant facilement plier sous le poids de l’oppression orthodoxe, mais élastique, toujours prêt à se redresser dès que le poids diminue ou est déplacé par les événemens. Le moment est venu pourtant où il va changer de nature. Ce moment est celui auquel nous sommes arrivés, il date de la réforme. Alors il subit une transformation à vue. Tout à coup, aux premiers rayons de la lumière nouvelle qui se lève sur le monde, la protestation amoncelée sur les sommités pendant la nuit froide du moyen âge s’échauffe, entre en fusion, s’évapore dans la protestation générale, et à la place de l’ancien valdisme apparaît l’église vaudoise nouvelle, semblable à toutes celles qui surgissent ailleurs. Ce n’est plus la secte antique avec ses doctrines hérétiques mêlées d’orthodoxie catholique, elle a perdu les traits qui la distinguaient, le vaudois des anciens jours s’est transformé en huguenot, et le barbe errant, cette figure singulière d’autrefois, n’est plus qu’un ministre luthérien ou calviniste. Comment s’est accomplie cette métamorphose étonnante ? C’est ce que vont nous apprendre deux documens historiques qui nous montrent la secte avant et après sa transformation. L’un est la correspondance des barbes avec les réformateurs en 1530[1], l’autre est la « briève confession » formulée deux ans après par le concile national des populations alpestres tenu à Angrogna sur le versant italien.

  1. Das Schreiben des Barben Morel an OEcolampadius und dessen Antwort an die waldensischen Gemeinden, Die Waldenser im Mittelalter, von Dieckoff ; Gœttingen, 1851.