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I

Les vingt-quatre ou vingt-cinq millions d’Italiens dénombrés par le recensement du jeune royaume (31 décembre 1861) et par celui de la Vénétie (1857) sont répartis entre 68 provinces et 8,562 communes. Chaque commune italienne réunit donc en moyenne près de 3,000 habitans, c’est-à-dire beaucoup plus que n’en ont les communes de France. Certes le brigandage, le manque de routes, les immenses propriétés, certains systèmes d’agriculture, sont pour beaucoup dans cette agglomération d’hommes ; il n’en est pas moins curieux que la France, en 1861, n’ait compté que 1,307 communes de 2,000 habitans et au-dessus, tandis que l’Italie, beaucoup moins grande et moins peuplée, en comptait 2,914. L’annexion de la Vénétie a porté ce chiffre à 3,392 ; on voit que la péninsule, outre ses 100 villes, a pour le moins 3,000 gros bourgs. 87 communes italiennes réunissent plus de 20,000 âmes ; 9 grands centres en amassent plus de 100,000. Ces faits encore peu connus ne sont pas sans enseignemens. Ils doivent rassurer ceux qui craignent pour le jeune royaume les dangers de la centralisation. Évidemment un pays qui a tant de centres si divers, si peuplés, vivant tous d’une vie propre, ne pourra jamais être absorbé dans une grande capitale, et cette capitale, et cette capitale, fut-elle Rome, n’aura jamais l’omnipotence de Paris. Cela est si vrai qu’en étudiant le mouvement de la population de 1858 à 1862, c’est-à-dire au plus fort moment des annexions, nous trouvons non-seulement à Turin (alors capitale), mais dans la plupart des villes importantes, un nombre croissant de nouveau-venus : Reggio, Palerme, Gênes, Plaisance, Livourne, Milan, ont gagné pendant cette période des milliers d’habitans ; Naples en a gagné près de 10,000[1].

La population va donc croissant d’année en année. C’est avant tout la Sicile, puis l’ancien royaume de Naples, l’Ombrie, les Marches, la Toscane, tous les pays annexés, qui se repeuplent comme à vue d’œil ; on dirait que le sang italien s’est retrempé dans l’air libre. Il n’est guère que l’île de Sardaigne qui reste pauvre et

  1. Notons ici quelques faits curieux, révélés par le recensement : d’abord la supériorité numérique de l’élément masculin, surtout dans les campagnes, puis la fréquence des mariages. L’Italie fut en 1865, par une circonstance qui mérite d’être signalée, le pays le plus nuptial de l’Europe. Le nouveau code italien devait être appliqué dès le 1er janvier 1866 ? or ce code a consacré, comme on sait, le mariage civil. Il en résulta que nombre de gens, soit pour vivre en paix avec les femmes, sait pour être agréables aux curés, se hâtèrent de se marier en esquivant les formalités de la mairie. Le mois de décembre surtout fut au mois de noces, fait exceptionnel, car en Italie comme en France, c’est surtout au mois de février qu’on se marie.