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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 76.djvu/985

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désignent ce métal dans d’autres langues, notamment en grec et en latin, sont tout différens ; cela prouve que l’usage du fer ne s’est répandu et généralisé qu’après la dispersion des Aryas primitifs. A la question de la découverte du fer vient s’en rattacher une autre plus difficile et presque aussi importante. Les Aryas, peuples d’abord pasteurs et qui certainement ont associé ensuite la culture du sol au soin des troupeaux, étaient-ils devenus principalement agriculteurs, comme le pense M. Müller ? Ce savant fait même dériver le nom d’Arya du genre de vie qu’aurait adopté cette race par opposition avec celui des Touraniens nomades qui les-entouraient. Il nous semble que cette idée, appuyée en apparence d’une foule de preuves, ne repose en réalité sur aucune base solide. Arya signifie en sanscrit généreux, fidèle, dévoué, excellent ; en zend, il signifie vénérable, et on le retrouve avec le sens d’illustre dans l’ancien nom de l’Irlande, Erin ; il est naturel qu’un peuple se nomme la race par excellence, et applique son nom aux qualités dont il se croit le type ; on pourrait en citer beaucoup d’exemples. Les mots qui expriment l’agriculture et particulièrement le labourage, auquel M. Müller rattache le nom d’Arya, ont au contraire dans l’idiome primitif quelque chose de flottant, ce qui marque plutôt des habitudes nouvelles en voie de transformation que des mœurs agricoles assez fixes pour que les instrumens aratoires aient pu transmettre leurs noms sans altération. Toutefois, si au lieu de considérer l’ensemble des Aryas on s’attache aux seules tribus européennes, on voit le nom que nous donnons encore à la charrue, celui d’araire, reparaître dans toutes les langues, depuis le grec jusqu’au lithuanien, Le latin arare, le cymrique cru, l’ancien allemand aran, le lithuanien arti, le slave orati, signifient également labourer, et en latin les mots arvum, ager, armentum, aratrum, se rattachent à la même racine. En sanscrit au contraire, la racine ar signifie blesser, déchirer, mais non pas labourer ; le labour est désigné par le mot karsh, qui n’a pas d’analogue en latin, et il en est de même des termes relatifs aux semences et à la moisson. L’usage de la charrue ne s’est donc propagé chez les peuples aryens que lorsqu’ils étaient déjà divisés en deux groupes principaux. On ne saurait douter cependant que dans l’état antérieur ils n’eussent déjà pratiqué l’agriculture ; ils connaissaient plusieurs sortes de céréales, le froment, l’orge, le seigle ; ils savaient moudre le grain, le réduire en farine et en faire divers gâteaux ; la vigne, qui abondait à l’état sauvage, leur fournissait du vin. En fait de fruits, ils avaient des poires, des cerises, des noix, peut-être des châtaignes ; le prunier ne semble avoir été connu qu’à l’état de buisson épineux qui servait à faire du feu.

Du reste les caractères matériels de cette société sont loin d’être