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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/250

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vulgaires, des rivalités toutes personnelles, des ambitions de commandement ; la politique n’est point assurément ce qui domine dans ces luttes. Les pouvoirs passent, tombent, se relèvent, si bien qu’on finit par tourner sans cesse dans le même cercle, et qu’on voit toujours reparaître les mêmes personnages. Une révolution a lieu en ce moment dans le Venezuela ; elle a triomphé à Caracas comme toutes les révolutions triomphent en Amérique, à la suite d’une insurrection militaire qui a tenu la campagne pendant quelque temps. Quel est le chef de cette insurrection nouvelle ? C’est un membre de la famille Monagas. Règle générale, dans le Venezuela depuis vingt ans toutes les révolutions se font pour renverser la présidence d’un Monagas ou pour faire un Monagas président. Aujourd’hui donc, c’est le général Monagas qui remonte au pouvoir et qui y restera jusqu’à ce qu’un autre général fasse à son tour une insurrection qui ne pourra manquer de réussir : c’est le préliminaire ou le complément du vote populaire dans ces pays d’Amérique. Après cela, même dans ce chaos d’événemens puérils ou sanglans qui agitent toujours ces contrées américaines, il est sans doute des épisodes qui ont une gravité particulière, qui touchent de plus près les intérêts européens, et de ce nombre est l’interminable guerre poursuivie sur les bords du Rio de la Plata par le Brésil, la république argentine et la république orientale contre le Paraguay. La république orientale, déchirée elle-même par toutes les dissensions, ne compte plus guère, il est vrai, dans l’alliance. C’est le Brésil particulièrement qui, de concert avec la république argentine, poursuit cette campagne où il a trouvé un adversaire auquel il ne s’attendait pas.

La guerre de la Plata, on le sait, dure depuis quelques années déjà. C’est assurément un spectacle assez curieux, assez inattendu, que cette résistance du Paraguay et de son chef, le président Lopez. Depuis trois ans, ce petit pays, qui a vécu quarante ans séquestré du monde, et ce président Lopez, qu’on ne croyait pas un si grand guerrier, ont réussi à tenir en échec les forces alliées, la marine brésilienne ; ils ont été battus et ils ont eu leurs jours de victoire ; ils tiennent encore derrière leurs lignes, quoiqu’ils aient été obligés, à ce qu’il semble, d’évacuer la forteresse d’Humaïta. Combien de temps va durer cette guerre ? A ne considérer que ce qui s’est passé jusqu’ici, les difficultés qu’ont rencontrées les alliés et l’animation du Paraguay, la lutte peut à coup sûr se prolonger ; mais ce n’est peut-être pas sur le théâtre de la guerre que la question doit être tranchée. Pendant que Brésiliens et Argentins continuent à batailler contre Lopez et le Paraguay, une crise politique d’une certaine gravité vient d’avoir lieu à Rio-de-Janeiro. Le ministère qui a commencé cette guerre il y a trois ans et qui était présidé par M. Zacarias est tombé tout à coup. Le motif apparent de cette crise a été un dissentiment entre le cabinet et l’empereur dom Pedro au sujet de la nomination de quelques nouveaux sénateurs ; en réalité, la cause déterminante est la lassitude