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critique, de l’histoire de l’art elle-même. Aux gens qui seraient tentés de croire sur parole les apôtres de la pure sensation ou les théoriciens intéressés de l’inexpérience scientifique, cet important ouvrage démontre qu’ils ont, dans l’intérêt de leur dignité intellectuelle, un parti plus judicieux à prendre, une meilleure cause à embrasser. A ceux qui ne savent qu’à demi ou qui ignorent, il fournit l’occasion de compléter ou d’acquérir les notions nécessaires. Pour chacun de nous enfin, il a des préceptes ou des conseils. Si, comme il faut l’espérer, les étourderies agressives s’arrêtent devant le désir sincère de fonder ; si, pour emprunter le langage d’un des plus éminens auteurs du nouveau dictionnaire, « un mouvement unanime des esprits proclame qu’il est indispensable d’organiser l’enseignement de l’art à tous ses degrés[1], » l’œuvre accomplie par l’Académie des Beaux-Arts aura eu entre autres mérites celui de fortifier encore ce désir et de stimuler ce progrès.

HENRI DELABORDE.



LA VARIABILITÉ DES ESPÈCES.


De la Variation des Animaux et des Plantes sous l’action de la domestication, par M. Charles Darwin, traduit par M. Moulinié, avec une préface de Carl Vogt. Paris 1868. C Reinwald.


Lorsque en 1859 M. Darwin fit paraître son livre sur l’Origine des espèces, qui a été comme un ferment jeté au sein d’une science qui devenait stationnaire, il prenait dans la préface l’engagement de publier plus tard les détails de ses recherches et les documens très variés sur lesquels s’appuyaient ses brillantes inductions. Cette publication, les naturalistes l’attendaient avec une impatience facile à comprendre, si on songe qu’il s’agissait de matériaux d’observation patiemment accumulés depuis plus de trente ans. Un voyage de circumnavigation exécuté dans les années 1835 et 1836 avait mis l’éminent naturaliste anglais en rapports personnels avec des savans de tous les pays, et ces relations, entretenues par une correspondance active, lui ont permis de se procurer sur les faits qui l’intéressaient les renseignemens les plus circonstanciés et les plus authentiques. Ajoutez à cela un travail de bénédictin accompli dans la poussière des bibliothèques et des collections d’histoire naturelle, enfin l’expérience personnelle d’un homme qui s’est fait éleveur pour contrôler par lui-même la portée des assertions recueillies, et vous aurez une idée de la variété et de l’importance des faits sur lesquels M. Darwin fonde sa théorie de la sélection naturelle.

Les recherches sur les animaux domestiques et les plantes cultivées

  1. Idée générale d’un enseignement élémentaire des Beaux-Arts, par M. Eugène Guillaume, p. 65.