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envoyés de Chine à New-York sont généralement payés par une traite tirée par l’exportateur sur un négociant de Londres, pour compte de l’importateur américain ; le marchand chinois négocie cette traite pour obtenir le prix de la marchandise livrée, et l’acheteur de New-York s’acquitte vis-à-vis du négociant de Londres par un envoi de fonds ou par une traite correspondante fournie pour du coton ou pour tout autre produit des États-Unis. Les traites acceptées pour compte de tiers compliquent la situation, elles exigent qu’on mesure non-seulement les relations entre l’Angleterre et l’Amérique, mais aussi celles de l’Amérique avec l’Orient. Cet examen plus général a surtout de l’importance en ce qui concerne les effets sur l’Angleterre, dont une très grande partie représente de simples acceptations pour compte d’autres pays.

Quelle est la cause de ce circuit, et pourquoi la Chine préfère-t-elle tirer des traites sur Londres plutôt que sur New-York ? Pourquoi celui qui expédie du coton de la Nouvelle-Orléans en Russie se couvre-t-il de ce qui lui est dû en créant des lettres de change sur Londres et non sur Saint-Pétersbourg ? Ce n’est pas seulement parce que les banquiers de Londres ouvrent de plus larges crédits, ou parce que la notoriété universelle de certaines maisons anglaises accroît la valeur des titres qu’elles doivent solder, c’est surtout parce que la masse des exportations anglaises fait que presque tous les pays du monde doivent, pour s’acquitter, faire des remises sur Londres. Les exportations des divers états ont beau recevoir une destination différente, les effets qui les traduisent finiront par arriver en Angleterre. Il y aura toujours une demande établie sur les banquiers de Londres, et les effets anglais seront plus facilement négociés, en vertu de la force des choses qui résulte de l’ancienneté des relations et crée un courant naturel d’opérations fructueuses. Il ne saurait y avoir de change qu’avec une place sur laquelle on dirige constamment des remises. Dans tout état, ces transactions se centralisent en certaines localités qui donnent un change régulier.

Les quelques exemples habilement mis en relief par M. Goschen ne laissent subsister aucun doute à cet égard. L’Angleterre exporte des quantités fabuleuses de marchandises de Manchester en Orient ; elle reçoit en échange de la soie et du thé. Si la valeur de ces produits reste supérieure à celle des marchandises reçues de la Grande-Bretagne, il faudra recourir à l’Amérique pour arriver à l’équilibre. Les États-Unis exportent peu en Chine, et achètent beaucoup de thé et de soie ; ils sont créanciers des Anglais et débiteurs des Chinois. Au moyen de traites fournies de Chine sur Londres pour compte américain, tout se balance. Puisque l’Angleterre achète et vend à tous les pays de l’univers, et que les relations créées par le