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sance spontanée qui se remarque toujours dans la marche des épidémies. Il semble qu’en se multipliant outre mesure ces cryptogames se nuisent réciproquement. Plus elles sont nombreuses, plus elles se trouvent dans des conditions défavorables, et la vitalité de l’espèce s’use, pour ainsi dire, sur place.

Des maladies d’un autre genre et plus graves ne tardèrent point à succéder à la muscardine, on les nomma la pébrine ou la gattine. M. Émilio Cornalia, naturaliste italien, a le premier reconnu que dans ces affections les organes intérieurs de l’insecte se trouvaient envahis par des corpuscules vibrans d’une forme distincte. M. Pasteur, qui s’est livré en France à de nombreuses et importantes recherches sur le même sujet, a proposé, pour enrayer la marche de cette maladie héréditaire, d’examiner au microscope les insectes dont on se proposait d’obtenir de la graine, et de n’élever les produits que des bombyx reconnus sains. Cette sélection des reproducteurs ne semble même pas suffire. Il faut y joindre pendant l’élevage de minutieuses précautions pour que la chenille ne puise pas dans l’air de la magnanerie le germe flottant et invisible de la contagion. On a obtenu dans cette voie des résultats très favorables à côté desquels il faut placer des insuccès jusqu’ici insuffisamment expliqués. Un moyen qui paraît efficace consiste à faire venir les graines des contrées que l’épidémie n’a pas encore atteintes. Certains points de l’Europe sont dans ce cas. Il y a en France, en Portugal, des groupes de magnaneries que le fléau a respectées. En Asie, la vallée de Kachemyr, les versans méridionaux de l’Himalaya, n’ont point eu non plus à en souffrir. On pourra encore tirer des œufs de l’Amérique, qui élève beaucoup de vers à soie, et dont les bombyx ne sont point malades. Toutefois le pays qui fournit en ce genre les plus abondantes ressources, c’est le Japon. De là sont arrivées, notamment en France, les plus saines et les plus nombreuses importations de graines. Pour garantir l’authenticité des œufs d’origine japonaise, l’administration avait fait estampiller, au moment où on les expédiait, d’un timbre spécial les cartons ou feuilles sur lesquelles a été déposée la ponte. D’audacieux spéculateurs trouvèrent le moyen de faire servir cette mesure de prudence à la réussite d’un vol odieux. Ils se procurèrent des papiers japonais munis de la marque officielle, et y recueillirent des œufs de vers à soie européens, le plus souvent malades, qu’ils vendirent ensuite au prix élevé des graines venues de Yeddo. Cette frauduleuse opération était très fructueuse, car la graine, qui se vendait autrefois 150 ou 200 francs le kilogramme, avait rapidement atteint la valeur de 500 et même 1,000 franc s ; mais elle a causé à la sériciculture un dommage immense, et a contribué pour une bonne part à perpétuer un