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alexandrine, depuis Ptolémée Soter jusqu’à Justinien, beaucoup de lois qui régissent les phénomènes se dégager tour à tour dans la statique, l’hydrostatique, l’astronomie, la physique, la physiologie des animaux et des végétaux, dans la géographie et la météorologie. Pendant ce temps, les anciennes écoles philosophiques s’épuisaient; les philosophes étaient devenus des logiciens ou des moralistes fort peu au courant des sciences positives et passant leurs jours à raisonner sur des abstractions ou à lutter contre les tristes réalités de la vie. Il vint un temps néanmoins où les sciences furent assez développées et l’esprit scientifique assez fort pour qu’une nouvelle école tentât de reconstituer l’ensemble de l’univers dont les savans s’étaient partagé l’étude. Tout le monde sait quelle doctrine produisirent les efforts des philosophes alexandrins. On vit durant cette période, où la science alexandrine lutta souvent contre le christianisme naissant, les hommes les plus savans et les plus sérieux s’accuser entre eux de brahmanisme et de pârsisme. En effet, les philosophes et un grand nombre de chrétiens, surtout en Orient, professaient l’unité du principe absolu et la consubstantialité de tous les êtres. Comme la théorie chrétienne n’était autre que la religion primitive des Aryas, il n’y a pas lieu de s’étonner que des chrétiens adoptassent facilement cette idée; mais ce qui est bien plus instructif pour nous, c’est de voir toute la science des Grecs se résumer alors dans une vaste synthèse philosophique et aboutir à l’unité de la substance avec toutes les conséquences qui en découlent. La période scientifique qui commence à Thalès et finit à l’édit de Justinien avait donc refait, mais avec plus de précision dans les analyses, le travail que les ancêtres âryas avaient accompli longtemps auparavant. Cette œuvre antique de l’Asie avait engendré une religion; la philosophie alexandrine était presque une religion à son tour, et lorsque son plus illustre représentant, Proclus, mourut professant à l’école d’Athènes, il faisait précisément l’histoire des religions du passé.

La science moderne a commencé comme celle des Hellènes par de vastes tentatives, dont celles de Descartes, de Leibniz et de Spinoza sont les plus célèbres. Les critiques s’accordent à regarder ce dernier comme le cartésien le plus rigoureux dans ses déductions, et c’est lui par conséquent qui peut être tenu pour le véritable représentant de cette école : or Spinoza est le panthéiste le plus absolu qui fut jamais. Quant aux deux autres, ce sont des mathématiciens; mais Descartes a formulé comme Socrate l’affranchissement de la pensée, et le grand génie de Leibniz lui a fait entrevoir que la science avait besoin de subdiviser son domaine et d’appliquer à chaque ordre de faits ou d’idées des procédés d’étude