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I.

L’œil humain ne saurait mieux se comparer qu’à une chambre obscure ; la photographie a rendu tout le monde familier avec cet instrument d’optique. Le photographe place devant l’objet qu’il veut reproduire une boîte carrée, noircie à l’intérieur; une lentille objective, insérée dans une des parois, peut se mouvoir en avant et en arrière au gré de l’opérateur; du côté opposé, la paroi est formée par un écran de verre dépoli où se dessine l’image renversée de l’objet. Le photographe avance ou recule la lunette objective jusqu’à ce qu’il soit satisfait de la netteté de l’image qui se forme au foyer. Cela fait, il retire l’écran et le remplace par une plaque sensible où l’image se fixe par une opération chimique. Dans l’œil, la chambre obscure n’est point carrée, elle est ronde; les parois en sont formées par une membrane fibreuse, blanche, opaque, la sclérotique (le blanc de l’œil), tapissée et noircie à l’intérieur par une membrane plus mince, toute couverte de vaisseaux sanguins, et nommée la choroide. En avant de l’œil, la membrane opaque de cette chambre noire présente une ouverture où s’enchâsse la cornée transparente. Un diaphragme contractile placé sur cette ouverture porte à son centre une ouverture nommée pupille qui peut à volonté s’agrandir ou se rétrécir. La lentille objective du photographe est remplacée par le cristallin, placé derrière la pupille, et qui a sur les lentilles de verre l’avantage de pouvoir se bomber plus ou moins au gré d’un petit muscle délicat. La chambre de l’œil n’est point vide comme celle de l’appareil photographique, elle est entièrement remplie d’un liquide transparent qui est le corps vitreux. Enfin la plaque sensible est remplacée par la rétine, qui s’épanouit en plaque sphéroïdale sur la noire paroi de la choroïde, et qui envoie sa racine dans la direction du cerveau.

Voilà en gros la description de l’œil, telle qu’elle est exposée dans les traités de physique élémentaire. Supposez maintenant que dans une chambre obscure l’objectif soit dérangé et ne soit plus posé symétriquement par rapport à l’axe de l’appareil, que le verre de la lentille ait des défauts intrinsèques, que la plaque sensible ne soit sensible que très inégalement et par places, et vous serez obligé de reconnaître que le photographe n’a pas pris toutes ses mesures pour avoir une bonne image. Nous allons cependant trouver tous ces défauts et d’autres encore dans l’œil humain. Et d’abord, qu’est-ce que voir? Il y a une vision directe, qui est celle de l’œil arrêté et fixé sur un objet, et il y a une vision oblique ou indirecte. Nous ne voyons pas avec une égale netteté toutes les parties d’un