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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/771

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Repton, en France Watelet, Girardin, Gilpin et quelques autres; l’art des jardins était désormais découvert et formulé.


ED. GRIMARD.



Voyage de Martin à la recherche de la vie, par M. Louis Rambaud; Lacroix, Verboeckhoven.


Il y a des momens dans l’histoire des nations où la vie abonde, où l’organisme social, jeune, sain et vigoureux, manifeste avec une sorte de profusion les témoignages de l’énergie collective d’un peuple. Il y en a d’autres au contraire où l’activité s’affaisse, où la sève semble épuisée, où la circulation de la pensée se ralentit et s’endort. Sommes-nous dans une de ces heures pénibles? Les trois voyageurs dont M. Rambaud nous raconte les humoristiques aventures en sont du moins convaincus. Ils ont cru constater autour d’eux les symptômes de cette anémie intellectuelle, et ils trouvent que la vie se retire de la société à laquelle ils appartiennent. Jugeant dès lors qu’elle a dû se réfugier quelque part, ils se mettent en route pour découvrir sa retraite, et s’en vont de lieu en lieu, observant et philosophant, perdant souvent de vue le but de leur excursion, faisant raconter leur histoire aux gens qu’ils rencontrent, et qui rarement voient le monde en beau. Ils ne se font pas faute en toute occasion de s’ériger en juges railleurs, trop découragés sans doute, mais souvent perspicaces, des systèmes en usage et du train des choses ici-bas.

Martin et ses amis se donnent avec complaisance le titre « d’abstracteurs. » Ce sont eux-mêmes des abstractions à la poursuite d’une autre abstraction. Les épisodes de cette dissertation philosophique à plusieurs voix se déroulent dans un milieu indéterminé et vague. M. Rambaud n’a pas fait le moindre effort pour encadrer ses boutades dans un récit suivi, pour faire mouvoir ses personnages au sein d’événemens naturels. Peut-être eût-il mieux fait de le tenter, et eût-il rendu ainsi la lecture de son livre plus attachante. Toutefois ce ne sont pas des types imaginaires qu’il retrace, et il a très finement nuancé le caractère de ses héros. Leurs tendances sont observées avec justesse, même lorsque leurs actions nous transportent en dehors de toute réalité. On se figurerait difficilement leurs traits, mais on voit leur âme. Ils représentent assez bien toute une classe de jeunes gens trop nombreuse, la classe des découragés. L’auteur les a évidemment vus de près, et il a pu les juger, car son esprit d’une trempe plus solide le préservait de la plupart de leurs défauts. Ce sont des imaginations ardentes, des organisations nerveuses, délicates et débiles, douloureusement sensibles aux moindres variations de l’atmosphère intellectuelle où ils vivent. Ils se montrent surexcités par d’intermittentes ardeurs, au fond dégoûtés de leur tâche avant de l’avoir entreprise, ironiques et inactifs. Tous ces traits sont peints d’après na-