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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/774

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National Verein, bien discrédité d’ailleurs, il n’y avait point de partis. Après tant de reviremens, on ne pouvait rien espérer de l’Autriche, mal affermie encore, en travail de transformation, ultramontaine du reste et rétrograde à plus d’un point de vue. La Prusse, plus forte et plus prospère, représentait mieux un état moderne, et depuis 1813 son développement s’était identifié de plus en plus avec le progrès de l’Allemagne; mais, dans l’accomplissement de ce qu’elle appelait sa mission historique, on retrouvait encore trop de contradictions. La Prusse avait flatté les désirs de réforme par ses critiques de la diète et son action décidée dans l’affaire des duchés, mais elle inquiétait les libéraux par ses procédés arbitraires à Berlin et son mépris des droits du parlement; elle avait, par le Zollverein et des mesures économiques, commencé l’unification et groupé les intérêts, mais elle les effrayait par le militarisme et par les tendances absorbantes de sa politique. Bref, elle provoquait les espérances plutôt qu’elle ne les encourageait. Les petits états, impuissans, isolés, défians, restaient dans les atermoiemens. — Quant à l’Europe, qui avait permis la guerre du Danemark, elle ne semblait soucieuse que de conserver la paix. La France, à qui on devait songer surtout comme à l’état qu’un changement en Allemagne pouvait émouvoir le plus, paraissait peu disposée à prévenir les complications qui surgiraient de l’autre côté du Rhin. Telle était la situation en janvier 1866. C’était un état de crise, mais de crise latente. Le public européen était habitué à voir l’Allemagne travaillée par ces influences et ces désirs contraires. Rien ne lui faisait présager un conflit imminent. L’Autriche, toujours gênée par l’Italie, était absorbée par ses affaires hongroises. La Prusse, en plein conflit parlementaire, avait à compter avec une opposition tenace, et le roi d’ailleurs répugnait personnellement à toute mesure violente. Ce fut donc une surprise pour l’opinion que de voir, à la fin de janvier, la Prusse accentuer sa politique, pousser de plus près l’Autriche, soulever de nouveau toutes les aspirations allemandes, et entreprendre une campagne contre l’organisation du corps germanique.

Si à Berlin on était décidé à élever le ton ou même à rompre, les prétextes ne manquaient pas. La convention de Gastein (15 août 1865) en effet n’avait réglé qu’en apparence l’affaire des duchés. Les causes de dissentiment restaient, et elles se trahirent partout dans les derniers mois de 1855. La Prusse voulait annexer, l’Autriche s’y opposait; elle soutenait la candidature du duc d’Augustenbourg, la Prusse l’écartait par tous les moyens; le général de Manteuffel refusait à ce prince l’entrée du Slesvig, le général de Gablenz lui accordait celle du Holstein; les réunions et les attroupe-