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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/912

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ce différend; mais je ne pouvais m’attribuer l’honneur d’une méthode que ces sauvages m’avaient apprise. »

Livingstone atteste, ainsi que Mungo-Park, la nature bienveillante des dames nègres. « Les ladies makololos, dit-il, sont d’une nature généreuse; elles distribuent avec libéralité du lait et d’autres alimens, et réclament très peu de travail de leurs serfs. » Dans une grande disette qui-eut lieu chez les Bakouains, la conduite des femmes fut excellente; elles se dépouillèrent de leurs parures pour acheter du maïs aux tribus moins heureuses. « Après les avoir longtemps observés, dit aussi Livingstone des Makololos, j’en suis venu à penser qu’il y a dans leur nature ce singulier mélange de bien et de mal qu’on retrouve chez tous les hommes. Ils font preuve d’une véritable bonté, et mettent de la grandeur et de la délicatesse dans leur manière de donner ; mais ils sont durs envers les pauvres, et ne leur témoignent de bienveillance que pour en tirer quelques services. Lorsqu’un malheureux est sans famille, nul ne s’inquiète de fournir à ses besoins; à sa mort, nul ne prend soin d’enterrer son cadavre. D’un autre côté, j’ai vu des hommes et des femmes recueillir des orphelins, et les élever comme leurs propres enfans. On pourrait, en choisissant telle ou telle circonstance, les dépeindre comme très bons ou comme très mauvais. » Est-ce bien la nature sauvage que Livingstone nous décrit là, et ne serait-ce pas la nature humaine?

Après les noirs, ce sont les populations australiennes qui ont eu le privilège d’être rabaissées au niveau des brutes, pour le plus grand honneur de la théorie qui veut que l’homme ne soit qu’un singe transformé. On a prétendu que la famille n’existait pas chez eux; on invoque la facilité des femmes, l’indifférence des maris. M. de Quatrefages fait remarquer avec raison que ces exemples sont empruntés aux tribus voisines de Sidney, tribus que la civilisation a corrompues, comme elle l’a fait trop souvent en Australie et ailleurs. Il n’en est pas de même dans d’autres régions, et Dawson trace de la famille australienne un tableau tout patriarcal, où la femme joue un rôle très considérable. Des voyageurs en avaient fait des populations nomades, errant par groupes de deux ou trois familles, sans vestige d’état social; d’autres au contraire ont trouvé chez eux une organisation en clans, et enfin de nombreux villages subdivisés en tribus et en familles. Chez eux, point de propriétés, disait-on, et au contraire il se trouve que chaque tribu a ses terrains propres, de même que chaque famille. On leur impute des vices qui sont d’ailleurs aussi fréquens chez les civilisés que chez les sauvages, la vengeance, l’ivrognerie, le libertinage; selon d’autres voyageurs, l’Australien est accessible aux plus doux, aux