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chez les philosophes grecs ou dans la philosophie moderne de l’Europe. Le caractère essentiel de cette loi est à ses yeux celui-là même dont nous débattons en ce moment la vérité, à savoir l’obligation immuable et absolue. « La règle de conduite morale, dit-il, est tellement obligatoire qu’on ne peut s’en écarter d’un seul point un seul instant. Si l’on pouvait s’en écarter, ce ne serait plus une règle de conduite immuable... » — « La loi du devoir, dit-il encore admirablement, est par elle-même la loi du devoir. » Il nous peint cette loi éternelle égale pour tous, quelle que soit leur condition, accessible aux plus humbles, surpassant en même temps les efforts des plus sages et des plus savans, si étendue, dit-il, qu’elle peut s’appliquer à toutes les actions des hommes, si subtile qu’elle n’est pas manifeste pour tous. Cette loi lui inspire des paroles d’un enthousiasme passionné. « Oh ! que la loi de l’homme saint est grande ! c’est un océan sans rivages! Elle produit et entretient tous les êtres ! Elle touche au ciel par sa hauteur. Oh! qu’elle est abondante et vaste ! » Écoutez encore cette parole touchante et noble : « si le matin vous avez entendu la voix de la raison céleste, le soir vous pourrez mourir! »

Quel est l’objet de la loi morale? C’est le perfectionnement de soi-même; mais il faut distinguer la perfection et le perfectionnement : l’une est la loi du ciel, l’autre la loi de l’homme. L’un est un idéal auquel nul ne peut atteindre, l’autre est le possible et est du ressort de tous les hommes. Confucius, lorsqu’il parle de la perfection, semble entrevoir un type supérieur à la nature humaine, au monde, et s’élever, quoi qu’on en ait dit, jusqu’à l’idée d’un Dieu unique, absolu et parfait. « Le ciel et la terre sont grands sans doute; cependant l’homme trouve encore en eux des imperfections... La puissance productrice du ciel et de la terre ne peut s’expliquer que par un seul mot, la perfection; mais la production des êtres est incompréhensible,... le parfait est le commencement et la fin de toutes choses... Sans le parfait, les êtres ne seraient pas... Le parfait est par lui-même parfait absolu. » Que manque-t-il ici, sauf l’expression, pour que cet être que Confucius appelle parfait soit considéré comme Dieu lui-même?

La tempérance, la dignité, la possession de soi-même, la simplicité de mœurs, voilà les vertus que Confucius exige de son sage, qui ressemble au sage stoïcien, moins l’emphase et l’orgueil. « Est-il riche, comblé d’honneurs, il agit comme doit agir un homme riche et comblé d’honneurs. Est-il pauvre et méprisé, il agit comme doit agir un homme pauvre et méprisé. Le sage qui s’est identifié avec la loi conserve toujours assez d’empire sur lui-même pour remplir les devoirs de son état, dans quelque condition qu’il se trouve. » — « Se nourrir d’un peu de riz, n’avoir que son bras