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REVUE. — CHRONIQUE.

tômes tomes quelquefois menaçans et des difficultés de toute sorte qui ne font que commencer. Ces juntes qui ont fonctionné pendant un mois laissent un dangereux héritage d’anarchie ; elles ont usé de leur indépendance en changeant les lois générales du pays, en abolissant des impôts, en faisant tout ce que font les juntes en Espagne dans une révolution. Il y a même des provinces du midi où on a confisqué des propriétés privées, notamment celles du général Manuel de la Concha et d’un autre ancien ministre, M. Canovas del Castillo, qui était pourtant de l’union libérale. À Malaga tout récemment encore, un industriel qui refusait de subir la loi des ouvriers en cédant à une demande d’augmentation de salaires a été assailli dans sa maison à main armée, menacé dans sa vie, traîné révolutionnairement à la junte populaire, et on n’a pu le sauver qu’en le faisant évader de la ville. Sur plus d’un point, il y a eu des désordres aussi crians, quoique partiels et passagers. En même temps le gouvernement provisoire se trouve en face de difficultés financières sans mesure et qu’il aggrave lui-même. D’un côté il hérite d’un déficit de près de 3 milliards de réaux, de l’autre il supprime des impôts d’un produit certain pour les remplacer dictatorialement par un impôt de capitation difficile à établir et destiné sans doute à provoquer de terribles répugnances. D’un jour à l’autre, il devait être dans la nécessité de recourir au crédit, et effectivement il vient de décréter un emprunt d’un milliard ; mais, à moins de subir toutes les conditions usuraires, pour faire un appel sérieux au crédit, il faudrait offrir certaines garanties, il faudrait s’établir, traverser les premières heures d’incertitude et d’agitation, éviter de glisser dans l’anarchie. L’Espagne, on ne peut s’y méprendre, reste dans une situation dangereusement précaire tant que des cortès constituantes n’auront pas décidé de son avenir, tant qu’il n’y aura qu’un pays livré à lui-même, sans direction, et un gouvernement remuant plus de questions qu’il n’en résout, réduit en définitive à ne pas perdre sa popularité, à céder beaucoup pour vivre. C’est là qu’on en est au-delà des Pyrénées pour le moment.

ch. de mazade.


REVUE MUSICALE ET DRAMATIQUE.


Cette fois le public ne dira pas comme Louis XIV : « J’ai failli attendre ! » Nous ne sommes qu’au début de la saison, et déjà le Théâtre-Italien a passé en revue le meilleur de son répertoire. Fraschini, comme Licinius dans la Vestale, « devance l’aurore, » et l’étoile elle-même s’est levée si matin que personne de son monde n’était encore là pour accla-