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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/491

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pas de faux systèmes, son ignorance l’en préserve; s’il a peu d’idées, ces idées sont droites, précises, allant au but; il a l’instinct et le respect de la justice, il a ce tact qui fait discerner la bonne influence de la mauvaise, un conseil désintéressé d’un conseil qui ne l’est pas. Sous cette rude écorce enfin, il y a une race d’hommes qui, avec un peu plus de culture, donnerait à la politique des champions résolus comme elle donne à la patrie de bons soldats.

Cette perspective appartient à un avenir plus ou moins éloigné; pour le moment et dans les éventualités prochaines, on ne sortira guère des instrumens que l’on a. Les députés entrés de haute lutte au corps législatif défendront des positions acquises, des candidats nouveaux chercheront à en forcer l’entrée. Pour ces derniers, il n’y a que des conjectures; on cite quelques noms, le reste est dans les hypothèses; on n’est pas plus fixé sur le nombre que sur les chances. Peut-être vaut-il mieux garder jusqu’au dernier moment ces airs de désarroi. Le gouvernement aimerait à être informé pour savoir ou porter ses forces, et dans ce cas maintenir le plus d’incertitude possible serait un bon calcul. On prétend d’ailleurs qu’il se prépare au ministère de l’intérieur un travail fort habile où beaucoup de noms figurent avec des notes à l’appui. Les députés des circonscriptions indépendantes n’ont pas tous montré les mêmes dispositions d’esprit dans l’exercice de leurs fonctions; quelques-uns ont fait preuve de mauvais caractère, d’autres ont été amollis par le séjour de Paris. Le ministre de l’intérieur voudrait, dit-on, tenir compte à ces derniers, peut-être à leur insu, de leurs bons procédés; leur élection ne serait pas combattue. Il en serait de même pour quelques candidats nouveaux, que cette tolérance dispenserait de l’attache officielle. Les uns et les autres n’auraient donc point de concurrens, ce qui n’est pas à dédaigner. Toute élection est coûteuse, surtout quand elle est disputée. Dans celles-ci, outre la certitude de passer d’emblée, on jouirait d’une grande douceur sur les frais. Si ce n’est pas là un de ces contes que les désœuvrés inventent à loisir, il y aurait bientôt en circulation trois catégories de candidats au lieu de deux, le candidat libre, le candidat officiel, déjà connus, et le candidat neutre, qu’il sera intéressant de connaître.

Rentrons dans le sujet par ce qu’il a de sérieux. A quelques détails près, voici l’état des deux camps qui en viendront bientôt aux mains; d’une part les dévoués, de l’autre les opposans. Ce que le gouvernement met au service des premiers est si formidable, la partie qu’il joue est si bien liée, qu’on s’étonne de voir devant lui un seul adversaire. C’est le choc de l’atome contre la masse. Non-seulement le gouvernement y engage les forces et les influences de la communauté, il prépare encore le terrain de l’action, surveille les urnes, forme les listes. Ce ne serait rien, s’il n’abusait; mais, pour