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n’en abusent pas, et laissent volontiers les coins dormir dans les armoires vitrées qui les défendent contre la poussière. Il est juste de dire que la commission, qui est dépositaire des coins, les ménage avec un soin trop jaloux, et que, lorsqu’on lui demande une médaille en bronze, elle la laisse invariablement frapper en rosette, c’est-à-dire en cuivre rouge. Le bronze cependant est le métal par excellence pour les médailles ; mieux que l’or et l’argent, il en accuse toutes les finesses, en fait ressortir les beautés, mais il est très dur, très résistant, exige des passes nombreuses, et fatigue les coins d’une façon notable. Le cuivre au contraire est d’une ductilité parfaite, il cède rapidement au choc du balancier, et, s’il produit des médailles d’une valeur contestable, on est certain du moins qu’il n’use pas les matrices dont on se sert pour donner l’empreinte. Périssent les coins plutôt qu’un principe ! Une médaille en cuivre est une médaille déshonorée, molle, flasque, d’un relief naturellement fruste, et que le moindre frottement contre un corps dur écorche et met en péril. Il faut employer le bronze, dussent les coins être brisés. Dans ce cas-là, le malheur serait loin d’être irréparable, puisque l’on possède les poinçons, avec lesquels on peut toujours faire des matrices nouvelles.

Telles sont les diverses installations de l’hôtel du quai Conti en ce qui concerne les monnaies et les médailles, c’est-à-dire les deux objets pour lesquels il a été établi ; mais cette étude serait incomplète, si l’on ne disait un mot de deux opérations très importantes, exigeant toutes deux des connaissances et une surveillance spéciales qui rentrent sous certains rapports dans les attributions de la commission, et dont les ateliers appartiennent à l’hôtel des monnaies : je veux parler de la fabrication des timbres-poste et de la garantie des matières œuvrées d’or et d’argent.


IV

Il peut sembler singulier au premier abord que le timbre-poste soit assimilé à la monnaie, et que la fabrication en soit entourée de précautions minutieuses ; mais, si l’on y réfléchit, on ne tardera point à reconnaître qu’il ne peut en être autrement. Le timbre-poste en effet est une valeur fiduciaire, un billet de banque infiniment petit, et comme tel il ne devait pas échapper au contrôle de l’état[1]. Il pourrait même ressortir des attributions de la Banque de France,

  1. Le lecteur pourrait être surpris qu’à propos des monnaies nous ne disions pas un mot des assignats et des billets de banque. Tout ce qui concerne les différens emblèmes de monnaie fiduciaire dont le pays s’est servi jusqu’à présent rentre dans une étude que nous nous proposons de faire sur la Banque de France et les divers services qui en dépendent.