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ter un nouveau coup. Il mourut avant qu’il ne fût assemblé, le 28 avril 1811.

Les paroles prononcées par l’abbé Émery dans la séance du 16 mars ne furent pas toutefois sans produire quelque effet sur les déterminations ultérieures de Napoléon. Il en avait remporté cette impression, que ses conseillers ecclésiastiques avec leur trop facile complaisance avaient été au moment de lui faire faire ce que lui-même avait appelé un pas de clerc en le compromettant dans une négociation dont il n’était point assuré de se tirer à son honneur. Il avait aussi retenu des citations de Bossuet commentées avec tant d’autorité par M. Émery, qu’un arrangement préalable avec le pape était nécessaire, s’il voulait éviter un schisme. Cela lui donna beaucoup à réfléchir. Si emporté qu’il fût par la passion, Napoléon aimait à calculer tous ses actes et à mettre en toute occasion, même quand il cédait aux plus extravagantes fantaisies, les meilleures chances de son côté.

Qu’on veuille bien se rappeler un instant les phases par lesquelles au sujet de ces matières ecclésiastiques avait successivement passé l’esprit de l’empereur, phases diverses et contradictoires que nous avons tâché d’exposer aussi exactement que possible dans cette étude. Au début, il avait songé à régler ces incommodes questions à lui seul et par la voie législative. Ses conseillers laïques les plus autorisés l’en avaient détourné; ils l’avaient renvoyé à la commission ecclésiastique de 1809; celle-ci ne lui avait donné que de vagues avis entremêlés de force complimens, mais sans lui apporter aucune solution satisfaisante. Réunie une seconde fois et mise au pied du mur en 1811, elle avait fini de guerre lasse par proposer un expédient qui à première vue avait semblé à l’empereur devoir le tirer enfin d’embarras ; mais voici qu’un modeste prêtre lui avait tout à coup fait sentir pour ainsi dire au doigt et à l’œil, eh présence de tous les hommes politiques de son empire, ce qu’un pareil expédient avait de futile et de dérisoire. Après tant d’efforts accumulés et tant de détours essayés apparaissaient plus que jamais la vanité des coups de force qu’il avait tentés et la nécessité pour lui de traiter à l’amiable, sur le pied de l’égalité, avec le pontife désarmé qu’il tenait depuis deux ans captif à Savone. Malgré tout ce que cette démarche allait coûter à son orgueil, l’empereur résolut de la tenter. Au moins ne fallait-il pas qu’elle fût inutile. Il nous reste maintenant l’obligation d’entrer, au sujet de cette tardive négociation, dans de singuliers et tristes détails qui n’ont jamais été révélés au public.


D’HAUSSONVILLE