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gnée. Cependant les faits ne manquent pas non plus aux partisans de l’autre opinion. S’ils avouent que la formation du fonds actuel a été favorisée par l’éboulement d’un sol forestier, ils soutiennent qu’elle est due en même temps à la nature du terrain, imprégné d’une quantité assez notable de fer et de soufre. Plus lente et plus bornée, l’action de ces principes ne s’en continue pas moins aujourd’hui, suivant eux, sur les feuilles, les racines, les filamens quelconques qui viennent combler si vite les excavations, surtout pendant l’inondation périodique. Cette élaboration souterraine suffit pour remplir les vides de l’exploitation dans les limites où elle a été renfermée. La vérité est que depuis un temps immémorial on extrait la tourbe, et le gîte paraît à peu près intact. L’épuisement, conclue-t-on, n’est donc qu’une éventualité imaginaire. Cette seconde opinion est du reste la plus accréditée dans le pays, et l’expérience qu’elle invoque suffit pour tranquilliser les intérêts.

Cette même observation profite à un autre produit qui vient aussi de la tourbe, quoiqu’il soit très différent des mottes, et qu’on désigne sous le nom de noir de Brière. C’est une poussière recueillie dans les trous et les rigoles où le vent l’a poussée, où l’humidité l’a rendue compacte, mais qui reprend son caractère primitif dès qu’on la dessèche. Tamisée ensuite, elle est employée comme absorbant dans les engrais liquides, et rend de réels services à l’agriculture. Il s’en exporte de 15 à 20,000 tonnes par année. Tout inculte qu’elle soit, la surface de la Grande-Brière n’est pas elle-même improductive. L’herbe dont elle est couverte l’été nourrit le bétail, qu’on y mène paître en grand nombre. Plus de dix mille moutons la parcourent alors en tout sens. Pendant l’hiver, la pêche et la chasse, celle des canards sauvages surtout, y deviennent une autre source de revenus que la construction du chemin de fer de Nantes à Saint-Nazaire a fort élargie en permettant l’expédition des produits sur le marché parisien.

Ces diverses sources de produits constituent en fin de compte une propriété imposante. À qui appartient-elle ? Voilà ce qu’on se demande. Dix-huit communes, parmi lesquelles figurent Saint-Nazaire, Guérande, Pont-Château, Herbignac, Montoir, Donjes, sont indivisément propriétaires de ce vaste domaine. Toutefois ce sont les six communes de Saint--Joachim, Crossac, Sainte-Reine, La Chapelle-des-Marais, Saint-Lyphard et Saint-André-des-Eaux, riveraines de la Brière, qui forment particulièrement le pays briéron. Quant aux titres de propriété, on peut dire avec une rigoureuse justesse qu’ils se perdent dans la nuit des temps. Un moment contestés au XVe siècle, ils furent authentiquement reconnus. par le duc de Bretagne François II et par sa fille la duchesse Anne, dont