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le nom est resté populaire. Le roi François 1er les confirma solennellement un peu plus tard. Les droits des communes sont donc absolument inattaquables.

L’état d’indivision rendait indispensable une gestion collective; aussi a-t-on constitué un syndicat dont les conseils municipaux des dix-huit communes intéressées désignent chacun un membre pris dans leur sein. Le président est nommé par le préfet, qui doit le choisir dans le syndicat; il touche une indemnité de 200 fr. par an, et les membres du syndicat n’ont que des frais de déplacement de 5 ou 10 fr. par jour, suivant qu’ils quittent ou non leur canton. La constitution du syndicat, datant de trente années, réclame aujourd’hui divers perfectionnemens qui rapprochent davantage, au moins dans certains cas, la masse des intéressés de l’administration du domaine commun. Il faudrait, par exemple, que dans des circonstances importantes, comme lorsqu’il s’agit d’autoriser la construction d’un canal de dessèchement, le syndicat fût obligé de s’adjoindre un membre élu dans chaque commune par les électeurs mêmes qui nomment le conseil municipal. Quant au président, il devrait être nommé par le syndicat lui-même. On ne s’explique pas qu’il en soit autrement. Dans l’état actuel des choses, on subvient aux dépenses à l’aide d’un droit annuel de 25 centimes par chaque individu prenant part au tourbage. C’est à l’aide de ce fonds qu’on a construit récemment au centre de la Brière un canal de dessèchement de 5 kilomètres, le canal de Trignac, pouvant peut-être faciliter l’extraction dans les étés pluvieux, mais qui, en détournant les eaux de leur ancien cours vers le Brivet, n’a pas été sans inconvénient pour la navigation.

Confinée chez elle par l’inondation de l’hiver, séparée du dehors par la nature de son travail, la population briéronne est un monde à part, ayant ses mœurs traditionnelles, non moins distinctes de celles du dehors que son territoire même ne l’est des districts les plus voisins. On dirait une petite république, non pas à cause d’un régime administratif spécial, mais à cause des conditions journalières de son existence, qui procurent à l’individu une indépendance dont il ne peut plus guère jouir au sein de nos sociétés modernes. L’organisation des villages côtoyant la Brière sur la rive gauche du Brivet présente une physionomie des plus originales. Chaque village est une île dont la grandeur diffère, mais dont les dispositions intérieures sont absolument identiques. Telles sont les îles d’Éran, d’Aignac, du Bé, de Trignac, et dix autres. Surnageant l’hiver au-dessus de la plaine inondée, ces îles sont séparées du dehors, même l’été, par un fossé plus ou moins large toujours plein d’eau. Un pont grossièrement construit et presque toujours mal entretenu les met en communication avec les chemins publics; mais ces chemins--