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de pays, mais n’ayant pas rempli leur mandat. Du moins sont-ils informés que le roi sera lui-même bientôt à Paris, et qu’il a dessein de terminer dès son retour l’affaire de Berquin.

Le retour du roi fut encore différé; mais, quoique absent de Paris, il pensait toujours à Berquin. C’est ce que vint faire connaître à la cour, le 19 novembre, le prévôt Jean de La Barre. Le roi ne s’était pas joué du prévôt comme des conseillers. Dès qu’il s’était fait annoncer, demandant à lui parler, le roi l’avait reçu. Maintenant il revient avec une lettre du roi, qui lui commande d’enlever Berquin et de le transporter au Louvre. C’est le prévôt de Paris qui se présente aujourd’hui porteur de cet ordre, le commandant supérieur de la milice urbaine : toute résistance est donc impossible. La cour proteste encore, elle décrète « qu’elle ne délivrera pas ledit Berquin audit prévôt; » mais elle s’empresse d’ajouter que, « vu le temps tel qu’il est, » ledit prévôt pourra librement pénétrer dans la Conciergerie pour y faire « ce qui est en lui. » En d’autres termes, il agira, les portes ouvertes, selon sa conscience et sous sa responsabilité. Le même jour vers six heures du soir, Jean de La Barre se rend à la Conciergerie, et en tire Louis de Berquin, qu’il remet entre les mains du bâtard de Saint-Amadour, capitaine des gardes. Quatre archers, commandés par ce capitaine, le mènent au Louvre.

Il n’y demeura pas longtemps; la cour l’avait bien prévu. Marguerite, qui avait constamment animé son frère contre les persécuteurs de Berquin, ne pouvait supporter que cet honnête homme fût détenu quelque part, même au Louvre. Souvent absente de Paris, elle écrivait, elle adressait les plus vives suppliques, tantôt au roi lui-même, tantôt aux conseillers les plus chers du roi, réclamant toujours la liberté de Berquin. Enfin elle lui fut accordée, et ce fut au grand-maître Anne de Montmorency que le roi commanda de faire la volonté de Marguerite. Berquin libre, Marguerite écrivit alors au grand-maître pour le remercier. Sa courte lettre se termine par ces mots charmans : « Vous merciant du plaisir que vous m’avez fait pour le pauvre Berquin, que j’estime autant que si c’était moi-même, et par cela pouvez dire que vous m’avez tirée de prison[1]. » Là se termine le second acte de la « tragédie » de Berquin.

  1. Lettres de Marguerite, t. Ier, p. 219.