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qui présentait le plus de difficultés dans le plan exposé par Sully. Pour constituer les quinze puissances énumérées dans les Economies royales, il aurait fallu commencer par une grande et terrible guerre, prélude contradictoire d’un plan de pacification universelle. L’Europe présentait au commencement du XVIIIe siècle un autre spectacle que cent ans auparavant ; la paix de Westphalie, qui termina la guerre de trente ans, avait remanié les circonscriptions territoriales et créé une sorte de droit public qui n’existait pas du temps d’Henri IV ; les traités survenus pendant le règne de Louis XIV avaient plutôt confirmé que modifié la constitution donnée à l’Europe par cette paix célèbre. L’abbé acceptait donc l’état territorial existant, et se bornait à dire dans l’article premier de son projet :


« Il y aura désormais entre les souverains qui auront signé les articles suivans une alliance perpétuelle. Pour faciliter la formation de cette alliance, les alliés sont convenus de prendre pour point fondamental la possession actuelle et l’exécution des derniers traités ; afin de rendre la grande alliance plus forte et plus solide en la rendant plus nombreuse et plus puissante, les alliés sont convenus que tous les souverains chrétiens seront invités d’y entrer par la signature de ce pacte fondamental. »


Les états auxquels devait s’adresser cette invitation étaient au nombre de dix-neuf, en y comprenant cette fois la Russie et en excluant toujours les Turcs ; des royaumes nouveaux, ceux de Portugal, de Prusse, de Sardaigne, étaient nés depuis Henri IV, d’autres au contraire, comme la Hongrie et la Bohême, avaient disparu.

Voici maintenant les quatre autres articles dont devait se composer le traité :


« Article 2. Chaque allié contribuera, à proportion des revenus actuels et des charges de son état, à la sûreté et aux dépenses communes de la grande alliance. Cette contribution sera réglée par les plénipotentiaires des grands alliés dans le lieu de leur assemblée perpétuelle, à la pluralité des voix pour la provision et aux trois quarts des voix pour la définitive.

« Article 3. Les grands alliés, pour terminer entre eux leurs différends présens et à venir, ont renoncé et renoncent pour jamais, pour eux et leurs successeurs, à la voie des armes, et sont convenus de prendre toujours dorénavant la voie de conciliation par la médiation du reste des grands alliés dans le lieu ordinaire de l’assemblée générale.

« Article 4. Si quelqu’un d’entre les grands alliés refuse d’exécuter les jugemens et les règlemens de la grande alliance, négocie des traités contraires, fait des préparatifs de guerre, la grande alliance armera et agira contre lui offensivement jusqu’à ce qu’il ait exécuté lesdits jugemens ou