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celle d’Arius, elle remarque que le débat a été fort grand, et que le concile s’est trouvé fort embarrassé entre deux doctrines dont celle qui fut déclarée hérésie n’était pas peut-être la plus éloignée des textes évangéliques. Nous avons toujours pensé, pour notre compte, que, si l’hérésie d’Arius est plus conforme à la logique ordinaire, par suite plus intelligible, la doctrine orthodoxe donne bien plus de force et d’autorité, soit à la parole du Christ, le Verbe incarné, soit à l’inspiration de l’Esprit-Saint, personnes non moins divines que le Père; mais que le mystère lui-même de la Trinité, avec les subtilités métaphysiques des pères alexandrins qui l’ont sondé dans toutes ses profondeurs, soit déjà dans la tradition évangélique, c’est ce que la critique ne peut admettre. En un mot, rien ne manque à l’histoire du dogme chrétien pour en faire une véritable histoire de la pensée humaine dans l’ordre religieux. Elle n’a de vraiment propre que l’institution des conciles et l’intervention de l’Esprit-Saint, deux choses qui distinguent les églises des écoles.

Voilà la thèse de la critique moderne dont, bien à tort, M. Gratry nous attribue l’honneur. Il est vrai qu’en un chapitre de notre Histoire de l’école d’Alexandrie nous avons tracé dans cet esprit un simple tableau du développement de la théologie chrétienne depuis la tradition évangélique jusqu’au concile de Nicée. Nous en faisons l’aveu, après la Sophistique contemporaine, après les nouvelles Lettres sur la religion, après la savante Histoire du dogme catholique, après tout ce que nous avons pu lire de plus sérieux sur la matière, nous croyons cette esquisse vraie dans ses grands traits, juste dans les conclusions qui la résument, sauf les erreurs de détail que la polémique de M. Gratry et nos propres recherches ultérieures nous ont appris à rectifier. Cependant la théologie catholique aurait trop beau jeu contre la thèse soutenue par nous incidemment, si elle se bornait à en chercher la démonstration dans un seul chapitre d’un livre dont le sujet était tout autre. C’est dans les œuvres de Baur, de Strauss, de toute l’exégèse libre de l’Allemagne, de la France, de l’Europe et du monde entier qu’il faut chercher cette thèse pour la combattre, en opposant science à science et critique à critique.

Pour citer un livre de ce genre entre cent, voici un ouvrage tout nouveau sur le dogme de la divinité de Jésus-Christ et la Trinité. Nous le recommandons à l’examen de nos plus habiles théologiens et de M. Gratry en particulier. C’est l’œuvre d’un savant, d’un libre esprit, d’un maître en critique religieuse, où l’on ne trouvera ni polémique scolastique ni exégèse alexandrine; on n’y trouve qu’une impartiale interprétation des textes. Si l’auteur y conclut tout au-