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le mois de mai 1868. On touche en route à Montevideo, à Rio-Janeiro, à Saint-Vincent, à Lisbonne et à Saint-Nazaire. La préférence accordée à cette dernière ville sur les autres ports de la France occidentale peut passer pour une attestation assez significative en sa faveur. Ce qu’il importe de constater surtout, c’est qu’avec les steamers du détroit de Magellan on met, pour arriver à Valparaiso, deux ou trois jours de moins qu’en suivant la route de Panama. Sans doute on pourra gagner quelques heures dans la traversée de l’isthme, si lente aujourd’hui. Le fait n’en doit pas moins exciter l’active vigilance de la Compagnie transatlantique.

En attendant, on voit chaque mois les steamers anglais prendre à Saint-Nazaire des passagers et des marchandises; mais ils restent en rade, sans entrer dans le bassin, où il n’y aurait d’ailleurs pas de place pour les recevoir. Depuis longtemps déjà, l’insuffisance de ce bassin éclate à tous les yeux. Un des quatre côtés est exclusivement affecté à la Compagnie transatlantique, qui s’y est murée comme dans un camp retranché. Un autre se trouve presque toujours pris par des navires appartenant à l’état. Il n’en reste plus pour le commerce que deux, dont l’un est encore réduit par les larges écluses donnant accès à la mer. Un second bassin devenait indispensable; il est aujourd’hui en cours d’exécution. La dépense en a été fixée à 18 millions 1/2; il sera deux fois plus vaste que le premier[1]. D’ingénieuses dispositions auront pour résultat, sinon de prévenir l’envasement, du moins de le restreindre à de faibles proportions. On ne prendra l’eau de la mer que deux ou trois fois par mois, en choisissant des momens de calme, et seulement à la superficie, c’est-à-dire dans les couches peu ou point chargées de matières vaseuses. Plusieurs de ces vastes constructions, dites formes sèches, dont nos ports sont trop dépourvus, faciliteront le radoub des navires. Le terrain a permis en outre de ménager une place pour toutes les extensions que nécessiterait l’avenir.

Même après les agrandissemens qui compléteraient l’installation matérielle du port, Saint-Nazaire ne posséderait pas encore une existence assez large et assez indépendante. Certes on ne doit pas songer à rompre les liens qui unissent cette ville à l’opulente cité nantaise; rien ne serait plus chimérique; il faut penser au contraire à les resserrer davantage, quoique dans d’autres conditions. Saint-Nazaire ne profite-t-il pas d’ailleurs par la force des choses de toutes les relations que Nantes a dès longtemps établies au-delà des mers, et qu’a cimentées une réputation inattaquable de prudence et de loyauté? N’est-ce rien encore que de trouver à Nantes

  1. Il embrasse une étendue de 22 hectares. On aurait pu sans doute se contenter pour le moment d’un espace moins large, mais il a fallu aller aussi loin avant de trouver un fond assez solide pour supporter les constructions.