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encore que la première. Ainsi tout est pénible : aux difficultés qu’on rencontre pour s’instruire succèdent les difficultés pour utiliser la capacité dont on a fait preuve.

Si l’on ignorait ces traits généraux de la situation, on ne se ferait pas une idée assez juste de la gêne particulière pesant depuis plusieurs années sur le groupe maritime du bas de la Loire. Simples marins, maîtres et capitaines, tous l’ont plus ou moins cruellement éprouvée. Leur sort commun ne saurait être un peu attentivement examiné sans exciter une vive sympathie. Par suite des vicissitudes qu’ont traversées le port et la cité de Saint-Nazaire, ce groupe a été plus qu’aucun autre livré à tous les hasards de l’imprévu. Au lieu de s’accroître, son lot de travail est allé d’ailleurs en s’amoindrissant de plus en plus. Un fait qui ne dépend point de causes locales, mais dont aucune localité ne s’est plus ressentie que celle où nous sommes, a été récemment mis en relief dans une brochure publiée à Saint-Nazaire. « De 1864 à 1868, y est-il dit, dans la navigation entre ce port et l’Angleterre, le tonnage des navires français chargés est tombé successivement de 37,000 à 7,000, tandis que celui des navires anglais s’élevait de 12,000 à 100,000. » Cette décroissance de 6 pour 1 d’un côté, cet accroissement de plus de 8 pour 1 de l’autre, en disent assez sur les souffrances que les familles ont eu à supporter. De tels chiffres confirment tristement les observations qui précèdent. Ils jettent encore un trait de lumière sur le caractère des habitans. Au milieu de ces motifs accumulés de misère et d’inquiétude, on n’entend pas de plaintes. C’est qu’il n’y a point de population plus résignée, plus silencieuse que la population maritime de la Basse-Loire. On la dit imprévoyante et trop peu préoccupée du lendemain, c’est possible; avouons pourtant que, s’il y avait place pour le courage, il n’y en avait guère pour la prévoyance au milieu des dures épreuves de ces dernières années. Cette même agglomération se distingue par une attitude accueillante, par une habituelle franchise, par un esprit ouvert et droit qui lui fait juger sainement les choses qu’elle peut embrasser. En revanche, il est facile de l’abuser, au moins pour quelque temps : elle n’en suppose pas de prime abord l’intention chez autrui. Le marin aime toujours la mer, même quand elle paraît le rejeter comme un hôte importun. Nulle part plus que sur les rivages du bas de la Loire, on ne le voit, dès qu’il est à terre, plus désireux de se rembarquer. Cependant ce ne sont pas les tableaux que peut lui offrir l’humide élément qu’il recherche de préférence tant qu’il a le pied sur la terre. On a établi à Saint-Nazaire des régates nautiques et des courses de chevaux; ce sont les courses qui attirent particulièrement la population maritime. Au fond, rien de surprenant dans