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ce bureau sont donc tenus à une discrétion absolue; ils ont l’âme du commerce de Paris entre les mains et en sont responsables.

Les effets qui, après examen, paraissent aux agens de ce service ne pas devoir être acceptés par la Banque sont marqués d’un signe convenu et replacés avec les autres dans leur bordereau respectif; mais ils ne sont pas refusés pour cela, car le bureau des renseignemens ne peut émettre qu’un avis, c’est le comité d’escompte qui décide en dernier ressort. Ce comité, auquel les liasses de billets sont immédiatement expédiées après cette opération préalable, siège tous les jours de midi à une heure. Il est composé de quatre régens et de trois actionnaires exerçant le commerce[1]. Là tous les billets sont examinés de nouveau, et le comité, dont les décisions sont péremptoires et sans appel, efface sur le bordereau le nom et les sommes des billets qu’il ne veut point accepter. On ne réclame jamais, car on sait que nulle explication ne serait donnée. Le total, rectifié selon les radiations qui ont été faites, est écrit et consigné par un des régens en tête du bordereau; un sous-gouverneur écrit à son tour le chiffre à une place déterminée, et le gouverneur l’approuve en y mettant son paraphe. Ainsi, pour cette opération, l’entente des deux pouvoirs de la Banque de France, du pouvoir délibérant et du pouvoir exécutif, est indispensable. Les billets et les bordereaux sont alors renvoyés au bureau qui les a reçus le premier; on y additionne le total des sommes représentées par les billets non rejetés en ayant soin de défalquer le montant du taux de l’escompte, on inscrit la somme et le nom de la personne qui peut en disposer sur une fiche qu’on lance par une trémie à la caisse spécialement chargée de ce service. On y crédite de la somme indiquée le compte du présentateur, qui est prévenu par un avis émanant du bureau de l’escompte, et il peut le jour même utiliser l’argent qu’on tient à sa disposition.

Cette opération montre avec quel soin, quelle circonspection, la Banque use de l’énorme pouvoir dont elle est dépositaire. Le travail de l’escompte est un des plus considérables qui se puissent voir; il s’est exercé en 1868 sur 2,396,752 effets représentant la somme de 2,221,540,108 francs 6 centimes; sur ce nombre, 32,180 billets équivalant à 24,724,319 francs 78 centimes ont été rejetés. La moyenne de la valeur des effets est faible, puisqu’elle ne s’élève qu’à 928 francs. C’est là principalement qu’apparaît l’importance démocratique de la Banque; si elle reçoit des traites du trésor s’élevant parfois à plusieurs millions, elle accepte, elle es-

  1. Ces trois actionnaires sont pris à tour de rôle sur une liste de douze commerçans présentés par le conseil-général aux censeurs, qui choisissent.