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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/420

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avec le lièvre n’ont pas lieu[1]. » Cette déclaration avait d’autant plus de portée que, dans son livre d’Histoire naturelle générale, Isidore Geoffroy avait admis avec pleine confiance les faits attestés par M. Roux ; il était allé jusqu’à dire que « le moment ne semblait pas éloigné où une véritable race hybride serait issue de deux animaux dont les naturalistes ont dit si longtemps et redisent encore : leur accouplement même est impossible[2]. » Le retour au type maternel venait démentir cette prévision ; mais en homme de science et de bonne foi, Isidore Geoffroy n’hésitait point à constater tout le premier le fait qui condamnait une opinion prématurément émise. Au reste, le doute ne fut bientôt plus possible. À mesure que les documens devinrent plus nombreux et plus précis, on apprit que l’industrie des léporides était loin d’atteindre l’importance qu’on lui avait prêtée ; on apprit que la mortalité était chez eux considérable. Le fait du retour fut reconnu au Jardin d’acclimatation, qui possédait deux léporides, fils de ceux qu’avait élevés M. Roux lui-même[3]. À la Société d’agriculture de Paris, un de ces hybrides fut examiné avec soin, puis mangé dans un repas de corps : il parut ne pas différer d’un simple lapin[4]. M. Roux, interpellé à diverses reprises et mis officiellement en demeure de s’expliquer par la Société d’acclimatation, se renferma d’abord dans un silence qui fut sévèrement interprété. Il paraît s’être décidé plus tard à reconnaître lui-même ce qu’avaient eu d’exagéré et d’inexact ses premières assertions[5].

Pour avoir à peu près échoué au point de vue industriel, l’expérience de M. Roux n’en était pas moins intéressante. Il était à désirer qu’elle fût reprise, et divers expérimentateurs tentèrent de la reproduire. M. Gayot seul, croyons-nous, y a réussi. Il en a communiqué plusieurs fois les résultats à la Société d’agriculture de Paris, et il mit entre autres sous les yeux des membres de cette société, le 11 mars 1868, un individu, fils d’une femelle demi-sang croisée

  1. Bulletin de la Société zoologique d’acclimatation, séance du 28 décembre 1860.
  2. Histoire naturelle générale des règnes organiques, t. III, chap. x, 14. — Ce volume porte la date de 1862, mais on sait que l’impression n’en fut terminée qu’après la mort de l’auteur, qui n’a même pu l’achever. Les retards inévitables en pareils cas expliquent la date inscrite sur le titre ; mais Isidore Geoffroy nous apprend lui-même qu’il écrivait le passage cité en 1859, qu’il empruntait les faits qui semblaient motiver sa prévision au mémoire encore inédit de M. Broca.
  3. Note sur les lapins-lièvres, par M. Jean Reynaud (Bulletin de la Société d’acclimatation, séance du 12 décembre 1862).
  4. Cette expérience culinaire, répétée à Paris sur un des léporides que M. Roux faisait vendre au marché, donna lieu à la même appréciation.
  5. E. Faivre. La variabilité des espèces et ses limites, chap. VIII.