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ici de constater qu’il existe sous ce rapport une différence absolue entre elle et les nombreuses races animales métisses journellement obtenues, et dont on connaît l’origine. La différence n’est pas moindre quand il s’agit de ces nombreuses races de végétaux cultivés qui se reproduisent par graines et qui constituent l’immense majorité de nos légumes. Pour admettre que ceux-ci doivent leur existence à un ancien croisement d’espèces, il faut encore conclure en dépit des seules analogies qui permettent de jeter du jour sur ce que nous ne connaissons pas.

J’ai dû insister sur la manière dont Darwin a traité la question du croisement des espèces. On peut être beaucoup plus bref lorsqu’il s’agit du croisement des races. Ici nos opinions sont semblables, et il ne peut guère en être autrement, car les faits journaliers parlent trop haut. J’ai reproduit plus haut textuellement sa déclaration au sujet du croisement entre races domestiques animales. Il ne connaît pas un seul exemple de stérilité dans cette sorte de métissage. Il constate au contraire que la fertilité se ranime ou s’accroît souvent en pareil cas. Son langage est moins précis quand il s’agit des végétaux, et par momens il semble admettre l’infécondité de certains métissages. Pourtant, après avoir discuté quelques rares exemples, il se borne à dire : « Ces faits relatifs aux plantes montrent que dans quelques cas certaines variétés (races) ont eu leurs pouvoirs sexuels modifiés, en ce sens qu’elles se croisent entre elles moins facilement et donnent moins de graines que les autres variétés des mêmes espèces. » Certes c’est là une conclusion que personne n’aura la pensée de contester. On reconnaît à tout moment des différences de fécondité de race à race lorsqu’on unit des individus appartenant tous deux à l’une d’elles. Que des faits analogues existent dans leur croisement réciproque, il n’y a certainement là rien qui soit en désaccord avec la distinction de la race et des espèces même les plus voisines. Le savant anglais parait voir dans les cas d’amoindrissement de la fécondité une sorte d’acheminement vers un isolement plus complet ; mais comment interpréterait-il les cas contraires, ceux où la fécondité grandit sous l’influence du métissage, et qui sont de beaucoup les plus nombreux ? Sans doute il y a du plus et du moins dans les phénomènes de cet ordre comme dans tous. Cependant, du minimum de fécondité continue constaté entre races aux faits qui caractérisent l’hybridation, il existe toujours une distance énorme et dont le lecteur peut juger aisément.

Ainsi, en matière de croisement, quand il s’agit des races, accord complet de toutes les opinions ; accord encore à propos des espèces lorsqu’il s’agit des cas spéciaux dont on possède toutes les données,