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Tacazzé tout près de sa source, mais dans une vallée très profonde ; il fallut ouvrir à la mine un sentier en lacets sur les flancs abrupts des rives. Au-delà de cette vallée, on monte sur le vaste plateau de Wadela, dont l’altitude dépasse 3,000 mètres. A l’extrémité de ce plateau, d’une longueur d’environ 70 kilomètres, l’armée anglaise devait rejoindre la route construite par Théodoros avec son armée, dans sa marche de Debra-Tabor sur Magdala. Traînant à sa suite une artillerie pesante, le négus avait employé un mois entier à franchir les deux gigantesques crevasses au fond desquelles coulent les rivières Djedda et Bashilo, tributaires du Nil-Bleu. Ces deux coupures sont les derniers obstacles qu’on rencontre entre la plaine de Wadela et Magdala. Séparées l’une de l’autre par le petit plateau de Dalanta, d’une largeur d’environ 8 kilomètres, elles n’ont pas moins de 1,200 mètres de profondeur, et les bords sont taillés tellement à pic qu’on les jugerait d’abord infranchissables. Heureusement Théodoros, avec les 20,000 bras de son armée, avait ouvert sur les flancs une route qui, malgré une exécution grossière et des pentes rapides, permit aux colonnes anglaises de passer.

Sauf cette traversée du Djedda et du Bashilo, la région comprise entre Antalo et Magdala ne présentait avant l’arrivée de l’armée anglaise aucune voie de communication, tout au plus quelques sentiers à peine accessibles aux mulets. C’est par le fer et par la mine que les colonnes se frayèrent successivement un chemin, et dans cette dernière partie de la ligne suivie de la mer à Magdala les ingénieurs de l’armée firent des prodiges tels qu’au retour de l’expédition, deux mois après le passage si laborieux des premières colonnes, les Anglais trouvèrent presque partout une route facile.

Au commencement de mars, le général en chef quittait, avec les premières troupes, Antalo, où le reste des forces destinées à l’attaque de Magdala arriva le 15 mars et les jours suivans. La marche en avant fut lente par suite de la difficulté de réunir des approvisionnemens suffisans et de la nécessité d’ouvrir des passages praticables dans une région où la nature avait semé tant d’obstacles. Les ordres les plus rigoureux concernant les bagages, exécutés avec une ponctualité qui fait grand honneur aux sentimens militaires des officiers anglais, réduisirent les impedimenta et assurèrent aux colonnes le plus de légèreté qu’on pût obtenir. Les officiers durent abandonner leurs effets personnels, leurs tentes, et laisser à Antalo le peu de matériel qu’ils avaient pu emporter jusque-là. Une tente de troupe fut accordée pour 10 officiers de tout grade, depuis celui de colonel. Les généraux partagèrent une tente avec leur état-major particulier. L’ordinaire de tous fut réduit à une simplicité qui rappelait les brouets des Spartiates. Le