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LA SERBIE
AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE

V. La chute du prince Milosch.

I.

« Vous avez maintenant un prince héréditaire, je vous en fais mon compliment. » C’est par ces paroles que le tsar Nicolas accueillit les députés de Milosch peu de temps après la proclamation du hatti-chérif qui consacrait la victoire du prince des Serbes[1]. Était-ce un compliment sincère ? Les députés, Abraham Petronievitch et Zvetko Raïovitch, crurent y voir un accent d’ironie. Un des ministres russes, le conseiller d’état Rodofinik, chef du département asiatique, leur adressa des félicitations du même genre. Une surprise légèrement sardonique et même une incrédulité inquiétante perçaient dans son langage. Tout cela pouvait se traduire ainsi : « vous triomphez sans nous, vous prétendez vous passer de nous ; prenez garde ! » Les deux Serbes d’ailleurs reçurent un accueil empressé à Saint-Pétersbourg. On sait combien les Russes s’entendent à séduire leurs hôtes. Comblés de prévenances, couverts de décorations, introduits même dans la noblesse russe par des lettres patentes, Petronievitch et Raïovitch furent complètement sous le charme. Ils oublièrent l’ironie du premier jour, et ne sentirent plus que les ca-

  1. Voyez la Revue du 15 février.