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avait été d’avance convenue avec son tout-puissant geôlier. Ajoutons que cette indigne comédie devait se prolonger longtemps. Qui le croirait ? ceux qui s’en étaient distribué les rôles trouvèrent le courage de les soutenir intrépidement pendant des mois entiers. Ce n’est pas tout. Il y avait en ce moment, oublié au fond de l’Italie, un archevêque in partibus d’Édesse, M. Bertalozzi, qu’on n’avait même point songé à faire venir au concile. M. Bertalozzi était un ancien aumônier de Pie VII, très aimé de ce pontife, qui lui avait de tout temps témoigné beaucoup de confiance, particulièrement en ce qui regardait la direction de sa conscience personnelle et les résolutions à prendre dans les matières ecclésiastiques. Instruit de ces circonstances particulières, l’empereur avait fait savoir à M. Bertalozzi, par l’intermédiaire du prince Eugène, qu’il eût à se rendre immédiatement à Paris, où sa présence était nécessaire ; mais, chose singulière, soit qu’il eût oublié de révoquer des ordres antérieurs, soit qu’il entrât dans les desseins de Napoléon, comme l’a supposé M. Carletti[1], de jeter une salutaire épouvante dans l’esprit du prélat qu’il se proposait d’employer comme l’agent le plus utile auprès du saint-père, M. Bertalozzi n’entra en France que pour être aussitôt arrêté par la gendarmerie et conduit de brigade en brigade dans les prisons de Paris[2]. Quand, après quelques excuses sur une regrettable méprise dont il eut toute sa vie grand’ peine à se remettre, on offrit tout à coup à l’archevêque d’Édesse d’aller, en qualité de conseil, retrouver le pape à Savone, personne n’était plus que cet ancien confesseur de Pie VII intimement persuadé que le chef de la catholicité n’avait dorénavant rien de mieux à faire que de mettre fin le plus tôt possible à des différends qui pouvaient produire de si affreuses conséquences. Ainsi flanqués de leur nouvel auxiliaire, les cardinaux se mirent séparément en route pour Savone, où ils étaient tous arrivés vers la fin d’août 1811.

D’autres ecclésiastiques allaient bientôt les suivre. C’étaient les évêques qui devaient, au nom de leurs collègues de France et d’Italie, s’efforcer d’obtenir de Pie VII la ratification du décret rendu par le concile national. L’équité, la logique, les simples convenances même, auraient voulu que les députés chargés de défendre auprès du chef de l’église les résolutions de la docte assemblée eussent été

  1. Vie de M. Carletti, évêque de Montepulciano, tome XII des mémoires de l’abbé Baraldi. Modène.
  2. « Monsieur le comte, en exécution des ordres de sa majesté, j’avais fait arrêter M. Bertalozzi, archevêque in partibus d’Édesse, qui était parti de Lugo, où il résidait, pour venir à Paris. J’ai l’honneur de prévenir votre excellence que, d’après l’autorisation de sa majesté, je viens de faire mettre en liberté ce prélat, qui était détenu à Paris. Il a justifié qu’il ne se rendait ici que pour obéir aux ordres de son altesse le prince vice-roi d’Italie, ordres qui lui avaient été notifiés par le ministre des cultes de ce royaume, » (Le ministre de la police au ministre des cultes, 27 juillet 1811.)