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Temporel n’eût été officiellement prononcé. Nous prendrons la liberté d’appeler sur les paroles dont Pie VII s’est servi en cette circonstance l’attention de tous les esprits réfléchis. On était au 22 septembre 1811, c’est-à-dire deux jours après la signature du bref. « Hier nous allâmes en corps de députation, écrit M. de Barral, remercier sa sainteté de son bref. Elle nous accueillit avec bonté, comme à son ordinaire. Elle nous dit qu’un point bien important à la discipline de l’église venait d’être changé pour toujours ; elle nous parla de l’espoir que les affaires de l’église prendraient une meilleure tournure, et prononça quelques mots affectueux sur sa majesté, sur sa prudence, sur sa piété, qui l’engageait à protéger l’église ; puis il restreignit sa phrase au spirituel, répétant en italien : il temporale,… il temporale,… sans rien ajouter davantage[1]. » S’apercevant bientôt qu’il parlait dans la langue dont il se servait le plus volontiers pour exprimer ses intimes pensées, mais qui n’était pas comprise de tous les assistans, il reprit presque tout de suite en français : « Le temporel,… le temporel,… ah ! si le temporel dépendait de moi, si j’étais le maître d’en disposer, je le prendrais volontiers et j’irais le poser sur le bureau de l’empereur pour qu’il en fasse tout ce qu’il voudra. » Cela fut dit d’un ton angélique et qui nous émut tous. La conversation prit ensuite une tournure moins sérieuse, et le pape continua de se montrer aimable[2]. »

M. de Chabrol, qui s’était tenu un peu à l’écart de la négociation dès qu’il avait vu le saint-père aussi favorablement disposé, n’était pas moins enchanté que les cardinaux et les évêques de l’heureuse issue qu’elle avait eue. Sortant alors de son abstention volontaire, il vint à son tour chez Pie VII pour le féliciter aussi, mais surtout pour le décider à écrire directement à l’empereur des Français, et à confier la rédaction de sa lettre au cardinal de Bayanne.


« Dès les premiers momens, MM. les cardinaux et toute la députation, écrit le préfet de Montenotte, avaient parlé de la nécessité d’engager le pape à écrire à sa majesté, afin de le porter à un rapprochement sincère. Le pape a été amené insensiblement à cette idée ; mais je regretterais beaucoup que le cardinal de Bayanne ne fût pas chargé de la rédaction. Après avoir causé avec lui longtemps sur ce point, je me suis rendu chez le pape. J’ai été accueilli avec une confiance qui m’a mis à même d’entrer promptement en matière. J’ai dit au saint-père que son rapprochement avec sa majesté était aussi honorable pour lui qu’avantageux au bien de l’église, et que maintenant il fallait qu’il fût total. Tout retour sur le passé serait, dans les circonstances, aussi contraire à la marche

  1. Lettre de l’archevêque de Tours au ministre des cultes. Savone, 22 septembre 1811.
  2. Ibid.