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la dérivation [1]. Toutes surtout ne sont que des formes du transformisme, expression employée par MM. l’abbé Bourgeois, Vogt[2], Daily[3], et que je préfère comme plus générale, comme ne prêtant pas à l’équivoque. Il me faut examiner maintenant cet ensemble d’idées, sans m’occuper des systèmes de philosophie générale soulevés à ce sujet et sans sortir du domaine des sciences naturelles ayant pour objet l’étude des êtres organisés.

En analysant ces diverses théories, j’ai rempli la partie agréable et facile de ma tâche. Pour qui se place au point de vue de ceux qui les ont émises, la plupart ont quelque chose de séduisant. Presque toutes en appellent d’abord à des faits, et semblent s’appuyer sur la réalité seule. De Maillet lui-même est au début de son livre un géologue très sérieux, bien au niveau de ses contemporains, en avance sur certains points ; les quatre lois fondamentales de Lamarck reposent sur des données positives et des appréciations physiologiques parfaitement justes ; les phénomènes embryogéniques et tératologiques invoqués par Geoffroy n’ont rien que de très réel ; enfin j’ai cherché à faire ressortir tout ce qu’il y a de vrai dans la lutte pour l’existence, dans la sélection naturelle, qui semblent donner à l’édifice théorique de Darwin de si fermes assises. Malheureusement ces doctrines sont fort diverses, et quelques-unes s’excluent mutuellement. Par conséquent, celui-là même

  1. On a généralement désigné jusqu’à présent par le terme d’évolutionistes les naturalistes qui admettaient la formation des êtres vivans par suite de l’évolution de germes préexistans. Ces mots ont pris en Angleterre un sens nouveau nettement précisé par Huxley. « Ceux, dit-il, qui croient à la doctrine de l’évolution (et je suis de ce nombre) trouvent de sérieux motifs pour penser que le monde, avec tout ce qui est en lui et sur lui, n’est apparu ni avec les conditions qu’il nous montre aujourd’hui, ni avec quoi que ce soit approchant de ces conditions. Ils croient au contraire que la conformation et la composition actuelles de la croûte terrestre, la distribution de la terre et de eaux, les formes variées à l’infini des animaux et des plantes qui constituent leur population actuelle, ne sont que les derniers termes d’immenses séries de changemens accomplis dans le cours de périodes incalculables par l’action de causes plus ou moins semblables à celles qui sont encore à l’œuvre aujourd’hui. » (On the animals which are most nearly intermediate between birds and reptiles.) Huxley admet du reste que l’on peut être évolutioniste tout en hésitant à reconnaître en entier les théories diverses auxquelles cette conception générale a donné lieu en astronomie, en zoologie, en biologie. Il cite le Système de philosophie de M. Herbert Spencer comme étant le seul qui renferme l’exposé complet et systématique de cette doctrine. « Je pense, dit à son tour Owen, résumant ses idées personnelles sur la dérivation, qu’une tendance innée à dévier du type parent, agissant à des intervalles de temps équivalens, est la nature la plus probable ou le procédé de la loi secondaire qui a fait dériver les espèces les unes des autres. » (Derivable hypothesis of life and species, 1868.) Cet écrit forme le quarantième chapitre de l’Anatomie des vertébrés, et renferme les conclusions générales de l’auteur.
  2. Congrès international d’anthropologie et d’archéologie, session de Paris 1867.
  3. L’ordre des Primates et le transformisme, 1868.