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catéchisme moral et politique à l’usage des écoles primaires. Son but final était d’introduire dans son royaume une sorte d’église catholique nationale semblable à celle que les jansénistes et plus tard l’abbé Grégoire rêvaient pour la France. Dans cette voie, il faut bien le dire, le succès était impossible. En mettant le pied dans le domaine religieux, il excédait les limites de sa compétence en tant que dépositaire du pouvoir civil. Il heurtait de front l’autorité du pape. S’y soumettait-il, il lui fallait retirer la plupart de ses mesures. La rejetait-il, il tombait dans le schisme et dans l’hérésie. Vouloir réformer le catholicisme sans ou malgré le pape est une contradiction flagrante, le pape étant l’interprète infaillible de la religion catholique. Aussi n’est-ce pas sans quelque raison que les ennemis de Joseph II se sont moqués de ce qu’ils appelaient sa politique de sacristain.Fourvoyé dans une tentative sans issue, calomnié, attaqué du haut de toutes les chaires par ceux dont il voulait éclairer l’esprit et accroître l’influence, impuissant à faire comprendre ou exécuter ses idées, ne récoltant pour prix de son dévoûment au bonheur de son peuple qu’ingratitude, haines et révoltes, ce grand homme de bien, ce monarque modèle mourut le cœur brisé de douleur, et ainsi succomberont, il faut le craindre, tous ceux qui tenteront de concilier l’église avec les principes modernes, condamnés par les conciles, anathématisés par les souverains pontifes.

Sous les successeurs de Joseph II, la plupart des lois joséphines, sans être abolies, cessèrent d’être mises à exécution. Le clergé reprit son ancien empire, et les pèlerinages leur primitive splendeur. Celui de Mariazell était pour les populations des campagnes le but suprême de l’existence. Les écoles normales et le fameux séminaire-général fondé par Joseph II se fermèrent. L’instruction primaire se réduisit à la récitation du catéchisme. les universités tombèrent bien au-dessous du niveau qu’elles avaient atteint au moyen âge. Une douce obscurité se fit partout, aussi favorable à l’exaltation du mysticisme qu’à la facilité des mœurs. Le gouvernement s’en félicitait. « J’ai besoin non de savans, mais de fonctionnaires, » répondait l’empereur François Ier à une députation qui demandait l’autorisation d’établir une faculté nouvelle. Les fonctionnaires et les prêtres semblaient seuls en effet vivre, vouloir, agir ; le reste de la nation était comme assoupi. Élevés par les jésuites, les enfans de la noblesse, aimables, élégans et superficiels, briguaient des places à la cour ou dans l’administration, et ne demandaient qu’à servir. L’aristocratie, même la plus haute, n’exerçait plus aucune influence politique. L’Autriche était devenue un grand Paraguay. Tout le monde y était heureux ; c’était comme le vestibule du paradis. L’ébranlement de 1848 vint troubler cette universelle