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Darwin. « La multiplicité infinie des germes, dit Mlle Royer, dut nécessairement produire à l’origine la multiplicité infinie des races, et de cette infinité de races ont surgi de nombreuses séries indépendantes les unes des autres, ayant toutes leur point de départ dans les premières formes des êtres primitifs. »

Il me paraît difficile que le traducteur ait été ici l’interprète fidèle de la pensée du maître. Si l’on donne pour point de départ aux êtres organisés un seul parent qu’on peut supposer hermaphrodite ou une paire primitive unique, la loi de caractérisation permanente rend compte du plan général conservé dans l’empire organique depuis les plus anciens temps jusqu’à nos jours. Ce parent était vivant ; il a transmis à tous ses descendans la vie avec tout ce qu’elle entraîne de phénomènes généraux communs aux animaux comme aux plantes. Après une période d’indécision dont nous trouvons encore les traces, un premier partage a eu lieu parmi ses fils ; les deux règnes ont pris naissance, et à partir de ce moment tous les dérivés de la première algue ont été des végétaux, tous les petits-fils du premier infusoire ont été des animaux. La caractérisation successive des embranchemens, classes, ordres, familles, a toujours eu les mêmes conséquences. Le premier zoophyte n’a eu que des zoophytes pour enfans et petits-enfans ; le premier vertébré, fût-il inférieur en organisation à l’amphioxus, n’a produit que des vertébrés, et parmi ceux-ci le premier mammifère a engendré tous les autres. « Ainsi a pris naissance et a grandi, selon Darwin, le grand arbre de la vie, qui remplit l’écorce de la terre des débris de ses branches mortes et rompues, qui en couvre la surface de ses ramifications toujours nouvelles et toujours brillantes. » De ce mode de développement résulteraient très naturellement, comme je l’ai déjà dit, les rapports qui existent entre tous les êtres vivans, entre leurs groupes, quelque multipliés qu’ils soient, quelque éloignement que le temps et l’espace aient interposé entre eux.

Si le développement du monde organique a eu lieu autrement et par séries indépendantes, comment se fait-il que les représentans de ces séries rentrent tous dans le cadre que les naturalistes ont pu tracer à l’aide de la nature vivante seule, et dont la paléontologie n’a fait que subdiviser les cases principales ? Comment ces formes, « ayant une généalogie à part qui les rattache en ligne directe à la cellule primordiale, » trouvent-elles si naturellement leur place non-seulement dans les mêmes règnes, embranchemens ou classes, mais bien souvent en outre dans les mêmes ordres, les mêmes familles ? Mlle Royer attribue ce résultat à « l’unité de la loi organique de la surface du globe. « Elle ne dit pas quelle est cette loi. Or on ne peut invoquer ici ni la sélection résultant de la lutte pour l’exis-